Du nord-est, de l’enclave française de Givet enfoncée comme
un coin en Belgique, au sud-ouest, à la frontière espagnole, Axel Kahn a marché plus de mille six cents kilomètres en un peu moins de trois
mois.Le généticien est aussi un personnage public, son frère
Jean-François est un journaliste flamboyant, il ne peut voyager en
randonneur anonyme alors qu’il aime tant marcher seul. Sauf dans les moments où
la beauté des paysages l’exalte et qu’il éprouve le désir de partager. Il le
fait avec nous dans Pensées en chemin, ce n’est pas si mal. Au lieu de s’en plaindre, il met sa
relative célébrité à profit pour donner des conférences et rencontrer, dans
bien des étapes, les notables de l’endroit. Car, s’il a pris la route avec
l’envie première de satisfaire un désir personnel, il avait aussi l’intention
de sonder le cœur et les reins d’une France rurale entrée, comme il le dit, en
« sécession » : « J’appelle
ainsi la rupture d’une partie de la population avec la vie politique ordinaire,
l’apparente rationalité de son discours et de ceux qui le tiennent. »Ses réflexions sur l’état de son pays, de l’Europe et du
monde ne sont pas sans intérêt. Elles ne constituent cependant pas la meilleure
part d’un livre qui vaut surtout par son approche, pas à pas, d’un chemin qui
emprunte parfois celui de Compostelle. Du moins pour l’itinéraire, pas pour la
quête spirituelle. Axel Kahn a perdu la foi quand il avait quinze ans. Il n’a
rien oublié, en revanche, des odeurs de ses premières années passées à la
campagne et les retrouve avec une émotion suscitée aussi par la rencontre,
rare, avec l’usage d’outils autrefois répandus et aujourd’hui le plus souvent
enfermés dans des musées.Promeneur encore plus que randonneur, même si la
dépense physique est réelle – les côtes et les descentes, la pluie, le vent, la
chaleur ajoutent à la distance –, Axel Kahn, qui tenait quotidiennement son
journal de marche sur un blog, ne craint pas les détours pour visiter tel ou
tel lieu, à l’écart de sa route. Celle-ci est belle.