L’arthrose fémorotibiale médiale, et à moindre fréquence l’ostéonécrose du condyle interne, sont des pathologies pour lesquelles l’ostéotomie tibiale de valgisation est l’intervention conservatrice de référence, réalisée régulièrement en France chez les patients de moins de 60 ans.
Des publications récentes essentiellement d’origine anglo-saxonne préconisent pour ces mêmes pathologies, les arthroplasties en particulier unicompartimentaires en insistant sur la rapidité des suites opératoires, la bonne qualité de récupération, et sur une courbe de survie qui permet de les proposer, même aux patients de moins de 60 ans.
La place de l’ostéotomie a été parfaitement définie par Daniel Goutallier : «le traitement de l’arthrose fémorotibiale interne par une ostéotomie tibiale de valgisation repose sur un concept mécanique. Mais ce concept ne se justifie que si l’ostéotomie n’entraîne pas à long terme une dégradation du compartiment fémorotibial externe, améliore ou du moins stabilise l’arthrose interne et enfin s’oppose à la récidive de la déformation.»
Quel est le candidat idéal à l’ostéotomie de valgisation dans la gonarthrose médiale isolée ?
Le profil du bon candidat serait, pour Segal un sujet jeune avec un varus tibial, un bon interligne externe (radiographie en valgus forcé éventuellement), un ligament croisé antérieur et un ligament interne normaux, un pincement de l’interligne interne de stade 1 ou 2.
Quelle est la cible à atteindre ?
Il s’agit d’un axe fémorotibial mécanique (AFTm) postopératoire supérieur à 180◦ mais dont la valeur absolue doit être adaptée à chaque patient. Cette valeur doit être constante au cours du temps afin d’éviter les récidives précoces. Un excès de cet angle (ou hypercorrection) aboutit, à terme, à une dégradation du compartiment fémorotibial externe et un angle trop faible (ou hypocorrection) entraîne un échec précoce.
Quelle correction ?
Les valeurs idéales sont variables selon les auteurs. Pour Coventry, la correction idéale est de 3◦ de valgus. Pour Dugdale et al., elle se situe entre 3 et 5◦ de valgus mais doit toujours être inférieure à 6◦. Pour Hernigou, elle doit se situer entre 3 et 6◦ de valgus. Selon lui, la précision est limitée par la détermination clinique et radiologique des déformations préopératoires et par la précision de la technique chirurgicale.
Quels paramètres peuvent modifier la cible ?
D’une manière idéale, la cible doit être personnalisée à chaque patient. Différents paramètres peuvent être pris en compte comme le poids du patient, son âge, son niveau d’activité physique et l’existence d’une laxité frontale, d’une déformation osseuse constitutionnelle ou d’un trouble de torsion osseuse fémorale secondaire à un cal vicieux.
Il faut donc réaliser une « véritable planification préopératoire» incluant tous ces éléments. Le poids doit être intégré en évaluant l’écart varisant global et le moment varisant comme le préconisent Lecerf et Thomine et al. Plus le poids est important et plus la correction sera grande. La plupart des auteurs retiennent 65 ans comme âge limite pour une ostéotomie tibiale. Plus que l’âge réel, c’est l’âge physiologique qui doit être pris en compte et il n’existe aucune étude qui fait état d’un algorithme décisionnel du degré de correction en fonction de l’âge du patient ou de niveau d’activité physique.
La répartition des contraintes entre les deux compartiments fémorotibiaux des genoux ne semble pas uniquement dépendre de la mécanique frontale comme l’ont montré Goutallier et al. La valeur des torsions fémorales et tibiales joue aussi certainement un rôle : un index tibiofémoral positif entraîne des contraintes fémorotibiales
internes et un index tibiofémoral négatif entraîne des contraintes fémorotibiales externes. Cette mécanique torsionnelle pourrait permettre d’expliquer certaines évolutions spontanées ou post-thérapeutiques des gonarthroses
fémorotibiales non expliquées par la mécanique frontale.
Les laxités périphériques doivent également être prises en compte, car elles modifient la répartition des charges en appui monopodal. Dans l’avenir l’utilisation de plateaux de force et d’analyse de la marche permettront sans doute de définir pour chaque patient une correction « optimale » personnalisée.