Roman - 560 pages
Editions Albin Michel - août 2013
Editions Livre de poche - avril 2015
Prix Goncourt - 2013
Prix France Télévision - 2013
Albert était mort. Une balle dans le dos par son supérieur, Henri Pradelle, voulant stimuler les troupes en faisant croire à une attaque des lignes allemandes, et enseveli sous les éclats d'une bombe, étouffant près de la gueule d'un cheval explosé. Il disait "Au revoir là-haut". Et pourtant, Edouard Péricourt, ce soldat jeune, gueule béante cassée, vient de lui sauver la vie, alors à son tour il sauve la sienne, à son chevet. Ensemble, seuls, sans leurs familles, ils vont devoir survivre dans une France meurtrie qui reconnaît davantage les victimes mortes que celles rescapées de l'horreur.Une fois n'est pas coutume, un livre qui parle tant de la guerre de 14 alors qu'il commence par sa fin. Un roman qui parle des conséquences immédiates de la Grande Guerre, du retour des gueules cassées, des vies brisées et honteuses, des visages brisés et honteux, à reconstruire. Et de l'économie de l'immédiate après-guerre. Les deux arnaques sur lesquelles est bâti le roman sont d'assez grande ampleur et autant invraisemblables et à la fois réalistes l'une que l'autre (alors que l'une est inventée par l'auteur, et l'autre inspirée d'une arnaque réelle). Comment faire de l'argent facile sur les ruines d'un pays ? Utiliser l'argent public destiné à faire les nombreux et immenses cimetières nécessaires aux corps des milliers et milliers de soldats morts, en tirant sur les prix, achetant des cercueils à bas coût, de dimension petite, voire trop petite, en payant des travailleurs à moindres frais pour faire la sale besogne de déterrer et réenterrer les cadavres, avec ou sans traçabilité. Ou alors, pourquoi pas, se lancer dans la conception de monuments aux morts, démarcher les mairies et communes, exiger un paiement à la commande, et se barrer avec le magot.
Extrait :"Le cœur affolé dans la poitrine, le voici dans le hall haut comme une cathédrale, des miroirs partout, tout est beau même la bonne, une brune aux cheveux courts, rayonnante, mon Dieu, ces lèvres, ces yeux, tout est beau chez les riches, se dit Albert, même les pauvres."Ce roman est impressionnant, impressionnant car foisonnant de situations et de détails réalistes et historiques qui concourent à nous dresser une fresque qui nous émeut, des personnages très incarnés page après page, et des intrigues qui nous tiennent en haleine, avec des enjeux familiaux forts. Après ma découverte de l'excellent thriller Robe de marié, je suis amplement convaincue du talent d'écrivain de Pierre Lemaître, ici dans un roman quasiment indispensable.
L'avis de Bernard Gensane - Médiapart