Critique – Ouija

Publié le 02 mai 2015 par Avisdupublic.net @avisdupublicnet

Critique du film Ouija, mis en scène par Stiles White, avec Olivia Cooke. Réalisateur, es-tu là ? Notre avis répond à cette question.

Impossible d'aborder Ouija sans revenir sur le récent investissement de Hasbro dans la production cinématographique. Parce que que n'oublions pas que le ouija, planche de bois sur laquelle apparaissent les lettres de l'alphabet, les chiffres et certaines indications, n'est pas seulement un pseudo-lien avec le monde des morts. C'est surtout un produit commercial, et Hasbro en a aussi fait l'un de ses produits, devenu phare de par le succès de cet objet farfelu auprès des enfants en recherche de sensations fortes. Le jeu de société adapté au cinéma, voilà une idée saugrenue, même si elle n'est pas vraiment nouvelle. Ainsi, le Cluedo fut l'objet d'un film en 1985. Pas vraiment convaincante, cette tentative ne sera pas suivie d'effets immédiats, même si Jumanji fait grand bruit dix ans plus tard, en 1995. Cinq années plus tard, c'est au tour de Donjons et Dragons de sortir, pour un navet que tout le monde, et surtout les rôlistes, a très vite oublié. Mais il faudra attendre encore une douzaine d'année pour voir l'inconcevable. Hasbro, après avoir donné le feu vert pour adapter Transformers et G.I. Joe, lance Battleship, inspiré par le jeu Bataille Navale. Un projet fou pour un résultat hystérique, et pas si mauvais quand on l'abordait pour ce qu'il était : un divertissement à grand spectacle, assumé dans sa crétinerie. Rentable (le film a rapporté trois cent millions de dollars, pour deux cent millions investis), le film inspire Hasbro. Une poignée de projets sont annoncés : un nouveau Cluedo (Gore Verbinski est attaché au projet, mais on n'en a plus aucune nouvelle depuis des années), Monopoly (Ridley Scott est cité, et ce n'est pas une blague), et même Hyppo Gloutons. Au final, c'est Ouija qui arrive en premier, qui s'entoure de Platinum Dunes, la société de production d'un certain Michael Bay...

Laine devient chèvre.

Ouija, c'est l'histoire de Laine (Olivia Cooke, vue dans The Quiet Ones, The Signal), une jeune fille dont l'amie d'enfance, Debbie (Shelley Hennig, aperçue dans la série Teen Wolf), vient de mourir dans des circonstances aussi atroces que mystérieuses. Endeuillée, Laine traîne chez sa camarade disparue, et découvre un jeu de ouija complet. Voulant dire adieu à sa défunte acolyte, Laine organise une séance de spiritisme au domicile de feu Debbie, avec une poignée d'amis. La session est une réussite, au-delà des espérances, et les ados rentrent chez eux, soulagés d'avoir pu donner un au revoir décent à leur copine suicidée. Le problème est que chacune des personnes présentes reçoit des signes étranges, créant une certaine peur. Le groupe se réunit une seconde fois chez Debbie, afin de renouer le dialogue avec l'entité, seulement cette fois ils découvrent que l'esprit n'était pas leur amie, mais une certaine DZ. Laine va alors mener l'enquête pour faire la lumière sur ce mystère, surtout que sa vie en dépend. En effet, la mort continue de frapper dans la bande qui a participé à la séance de ouija.

Le film d'horreur n'appartient à personne.

A la lecture de ce bout de synopsis, on se dit que Ouija a le potentiel d'une bonne série B décontractée, dans le sens du spectacle qui se revendique bas du front mais cherchant à nous faire flipper. Aucune honte dans cette approche du cinéma d'horreur, elle a toujours existé et a même su nous donner une foule de films devenus cultes, à une époque où les spectateurs n'attendaient pas un Citizen Kane quand ils allaient voir Un cri dans l'océan (pour citer un film plus ou moins récent). Bref, aller voir Ouija est un phénomène assez naturel quand on chérit ce cinéma. Les premières minutes nous montrent deux enfants, un duo de petites filles en pyjama et manipulant une de ces planche de dialogue avec l'autre monde. Rien de bien fameux, le principe du ouija est exposé alors que la réalisation peine à nous faire ressentir quoi que ce soit.

Scream rencontre le spiritisme.

Le truc, c'est que le reste de Ouija est à l'image de ce début. Vient la première séquence horrifique, qu'on attendait avec une impatience aussi grande que la déception qui en découle. Pour être clair, c'est le bordel intégral, et les conventions données par le concept de Ouija ne sont jamais véritablement utilisées. Debbie a peur, en fait part à Laine et se donne la mort. Le tout dans une platitude que la musique, jouant outrageusement le soulignage, finit de rendre ridicule. On se dit qu'on est face à un écho de tout ce qu'a pu provoquer de pire le néo slaher (ah, les répercussions à long terme du détestable Scream !), avec des teenagers bien propres sur eux, sexys, et bêtes comme des aspirateurs. Ouija se charge de confirmer cette impression tout au long de son scénario insipide.

Stiles White manque de style.

Ouija débute alors sa phase de dialogue avec un fantôme qui, évidemment, ne sera pas celui espéré. Pas vraiment surprenant, mais pas spécialement à cause de la situation. C'est un tout, la mise en scène de Stiles White ne sait jamais venir au secours de ses personnages, des enjeux, de l'intrigue toute banale qu'elle soit. Comment ressentir quoi que ce soit quand, après avoir contacté un mort, les personnages retournent à leurs activités le plus simplement du monde. Ou, situation encore plus insupportable : il arrive un événement super bizarre, qui aurait poussé tout le monde à fuir le pays direction l'Alaska. Mais bon, ça va, le personnage à l'air de se dire que ça peut arriver, c'est cool, tout va bien. On en a l'exemple typique avec Laine, qui est surprise par une plaque chauffante dont le gaz s'allume tout seul. Sa réaction ferait passer Schwarzenegger pour une pauvre mauviette : elle éteint la plaque, et retourne vaquer à ses occupations. Ouija nous décroche la mâchoire, mais pas par l'effroi : par la honte.

Une fin peu crédible.

On atteint le fond du fond dans le dernier tiers de Ouija, avec la partie enquête de Laine, alors que ses amis meurent un par un dans des séquences insignifiantes. L'enquête peut alors débuter, et on peut dire qu'on assiste là à l'un des plus gros ratés de cette année 2015 au cinéma. La jeune fille se met dans la peau de Derrick pour mener une investigation tout aussi palpitante que celles de la série allemande. Laine découvre que la maison de Debbie fut le lieu d'un drame sanglant, et remonte la piste jusqu'à un personnage qui lui dévoile le fond de l'affaire. Après renseignement, on apprend que toute cette partie a été tournée, retournée, re-scénarisée. Le rôle de Lin Shaye, pourtant important, apparaissant des semaines après que le tournage était sensé être terminé. Un vrai bazar qui se retrouve évidemment à l'écran, pas incompréhensible mais tellement peu crédible qu'on a grande peine à rester dans son siège en regardant Ouija.

Les bénéfices ne font pas un bon film.

Ouija est malheureusement une œuvre de plus à rajouter au dossier " le film d'horreur va mal ". On a beau vouloir lui trouver des qualités, elles seraient trop capillotractées pour être à prendre en compte. Le casting est sans surprise, et paraît même en roue libre à certains moments. On en vient à se demander pourquoi Ouija a le droit à une sortie en salle, alors que d'autres films récents ( Wolf Creek 2 ?), plus intéressants, n'ont pas eu cette chance. Il suffit cependant de regarder les recettes au box-office pour mieux comprendre : cinquante millions de dollars de bénéfice, alors que Ouija en coûté seulement cinq. La question se pose alors : vit-on une crise du cinéma d'épouvante, ou de son public ?

Ouija, les bonus.

Pour découvrir des extraits de Qui est Olivia Cooke, l'actrice principale de N'hésitez pas à lire d'autres critiques de Ouija, et sa bande-annonce, direction Allociné. Ouija ? Télé-Loisirs tente de répondre à la question. Ouija, notamment chez FilmDeCulte et Strange-Movies.