Quand les ânes de la colline sont devenus barbus

Par Apollinee

Le titre est déroutant, le roman, poignant: saisissante découverte de lecture, de sensations, d'atmosphère.

Inspirée de faits réels, la narration épouse le destin de Jack, enfant de Kaboul, groupie  de Jackie Kennedy, vendeur hors pair d'oeufs en étoiles ...

"Et puis la vie a basculé. La mienne. Celle de Bintou, de Asma, celle de Zahid et de Bilkis. J'allais avoir vingt ans. C'était deux jours avant mon anniversaire."

Famille éclatée, destin bousculé, double et...trouble, le narrateur/héros se voit propulser à Bruxelles, au coeur d'une église, parmi des grévistes de la faim et proposer un contrat, pour le moins,... singulier.

Avec en filigranes, la pratique afghane (mais aussi pakistanaise) des bacha posh -  je ne vous donne à dessein  d'autre précision - le spectre terrifiant de la répression barbue, le récit prend aussi un tour documentaire.

"Le destin prend parfois des formes étranges, se dit Jack. Cet après-midi-là, il avait un visage, un regard et un prénom."

Riche de surprises, d'émotions et  de rebondissements, passant allègrement de la première à la troisième personne, la narration révèle une vraie maîtrise d'écriture pour ce primoromancier encore inconnu au régiment des écrivains. Gageons qu'il n'en restera pas là.

Découvert par la maison d'édition belge  Diagonale, qui a pour vocation de sélectionner " des premiers romans de qualité" John Henry satisfait magistralement cette ambition...

Une lecture conseillée.

Apolline Elter

Quand les ânes de la colline sont devenus barbus, John Henry, roman, Ed. Diagonale, mars 2015, 196 pp

Billet de faveur

 

AE : S’il évoque- forcément-  l’atmosphère des merveilleux Cerfs-volants de Kaboul (Kaled Hosseini, 2003- Ed. Belfond, 2007, pour la traduction française), votre roman s’inspire de faits vécus, notamment cette grève de la faim opérée par une trentaine de demandeurs d’asile afghans, fin 2013. Pouvez-vous  nous préciser la genèse de votre écriture, les rencontres qui l’ont motivée :

John Henry :  Le roman a été inspiré par un documentaire dont Jack était un des personnages principaux. C’était un documentaire autour des basha posh. Tout est parti de là. C’était le déclencheur. L’histoire avait un début et un personnage principal, à Kaboul. Ensuite j’ai fouillé mon carnet de notes – des notes que je prends sans savoir très bien si je les utiliserai ou comment – et j’ai retrouvé des informations sur le mode de vie des sans-papiers à Bruxelles, sur leur logement, leur travail, la grève de la faim. J’inclus autant que je peux l’histoire dans la vie et aussi dans l’actualité. Ces personnages font partie de la vie, de nos vies, ils partagent le même univers, on partage la même actualité. Ce qui m’inspire et m’intéresse c’est la réalité du monde – un peu comme Laurent Gaudé je suppose. J’ai d’ailleurs une formation de journaliste.

L’Orient m’a toujours fasciné (et me fascine encore plus depuis que je suis marié à une Turque d’Istanbul), les décors, les odeurs, la vie quotidienne, les bruits, les odeurs, les couleurs. Je pense qu’on peut s’asseoir au milieu de la rue, observer et écrire un roman aussitôt. Et j’ai voyagé pour écrire ce roman (mais pas aussi loin à l’Est) : après avoir construit l’ossature du roman en quelques semaines, sur base de toutes ces notes et de toutes les informations du carnet, j’ai écrit le manuscrit en un mois, à Rome, grâce à une bourse, de l’autre côté de la piazza del Popolo, près de la Villa Borghese.

C’est tout cela, je pense, qui a été la genèse de ce roman.