Chronique « The Goon (T12) »
scénario et dessin de Eric Powell
Public conseillé : Adultes et adolescents
Style : Comics
Paru aux éditions « Delcourt Comics », le 4 mars 2015, 192 pages, 15,50 euros
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L’Histoire
Cinq petites histoires du Goon : un combat de boxe truqué et des zombies avertisseurs mais agressifs, un freak show mené par Billy the Kid qui tombe pile le soir d’Halloween, la historia de amor imposible de una belleza mexicana y Godzilla sucedaneo, un marin cherchant désespérément son coturne afin de regagner le navire sans craindre la cour martiale, la terrible histoire d’un rôdeur des marais qui ignore lui-même ce qui le pousse à tenter de pulvériser notre héros.
Ce que j’en pense
Seize ans déjà que Powell produit The Goon. Seize ans, c’est long. D’accord, rien à redire sur le dessin : ce gars, autodidacte s’il-vous-plaît, sait y faire. Je préfère d’ailleurs les planches de croquis de la fin, celles qui se passent de couleurs.
Mais l’effet Goon du début à disparu : quand je l’ai découvert, dans la salle d’attente de mon tatoueur, je me suis régalé avec les premiers numéros. Du «comics» pur et dur, drôle, décalé, bourré de références, avec un héros au grand cœur dans un énorme corps de brute looké bad-boy made in prohibition* sur fond de légère teinture scénaristique. Du Picsou magazine trash quoi, reposant pour les neurones.
Seulement voilà, même à raison de seulement 3/4 de numéro par an, au bout de seize on s’ennuie un peu : les interventions de Tom Waits ou de Schwarzy, entre autres stars, ne suffisent pas à ranimer la flamme. Pourquoi Eric ne s’acoquine-t-il pas avec un complice à plume qui apporterait un peu de fraîcheur à cet univers qui fleure bon l’alcool frelaté et la sueur des rings, la chair en décomposition et les tacos ? Histoire de… De faire des histoires !
Allez, tout de même, je le confesse, le chapitre central m’a bien amusé. Peut-être parce qu’il est principalement en Espagnol et que j’ai dû me replonger dans mes souvenirs de vacances pour traduire (Allemand seconde langue, entschuldigung) ; et surtout parce que j’adore cet être reptilien aux yeux globuleux et à la gueule pleine de dents, qui passe sans transition ni scrupules d’une passion carnassière pour les poulets à un embrasement charnel pour une plantureuse lavandière mexicaine. Ça c’est du Powell.
Pour la petite anecdote, j’ai eu la joie de croiser Eric Powell au dernier Salon du livre de Paris. Nous attendions avec Jacques (Grand Gourou du site) un auteur pour une mémorable interview quand il me fait remarquer celui qui griffonne à côté de moi. « Regarde, dit-il, il dessine le Goon ». Ni une ni deux, je m’approche et j’attaque dans la langue de Shakespeare une ode au talent de l’artiste qui me remercie en me disant que Powell serait ravi de l’entendre mais que lui travaille sur Hulk. Là, une mise en couleurs m’aurait sans aucun doute évité ce grand moment de solitude.
*Fallait-il oser cette succession outrageuse d’anglicismes ?