Le 8 mai approche. Et avec cette date la commémoration du 70ème anniversaire de la victoire du 8 mai 1945. Et pour certains l'occasion de rappeler ce que fut la barbarie nazie, et d'en parler pour que l'on n'oublie pas et que cela ne se reproduise plus.
Bien sûr ce fut une période de massacres peut-être inégalés. Et à ce titre qui ne peuvent être oubliés. Mais sont-ce les seuls ? Faut-il faire abstraction d'autres méfaits commis dans le passé, pas à aussi grande échelle, mais importants tout de même. Non pas commis par d'horribles barbares nazis, mais par de bons Français. On peut ainsi parler des ravages du Palatinat (Allemagne) par Turenne et Louvois sur instruction de Louis XIV, de la "pacification" de la Vendée à laquelle participèrent un certain nombre de jeunes recrues nordistes ou de l'occupation de l'Egypte par les troupes de Bonaparte pendant laquelle, sous prétexte de maintien de l'ordre, les Oradour-sur-Glane se multiplièrent.
Remontons encore un peu plus loin dans le temps, à une époque où notre région était sous la domination des ducs de Bourgogne. En 1466, le duc s'appelle Philippe le Bon, et il charge son fils Charles, comte de Charolais, qui n'est pas encore le Téméraire, de "châtier" la ville de Dinant, "rebelle" à son autorité.
Georges Minois, dans sa biographie consacrée à Charles le Téméraire, raconte (chez Perrin, pp 155-156) :
"L'armée est convoquée pour le début août et se met immédiatement en marche. Le 18, elle est au pied des murailles de Dinant. Le comte de Charolais est le chef de l'expédition ; il est accompagné de ses demi-frères bâtards Antoine et Baudouin, des Zélandais Henri et Wolfart van Borselen, du maréchal de Bourgogne, et du connétable de France Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, qui continue à servir deux maîtres à la fois. Même le vieux Philippe le Bon, qui vient d'avoir une autre attaque, a tenu à être là : "Il s'y fit mener en sa grand vieillesse en une litière, tant avoit de haine contre eux." Il ne veut pas rater le spectacle, et il ne va pas être déçu : le maître de l'artillerie, Hagenbach, bombarde la ville pendant une semaine, et le 25 l'assaut est donné. Les Dinandais se rendent. Affaire rondement menée.
C'est le début de l'horreur. Le comte de Charolais va se venger et donner la pleine mesure de sa sauvagerie. Ce qui est terrible avec lui, c'est le caractère systématique, méticuleux, froid, déterminé et planifié de ses massacres. Tout doit se faire dans l'ordre et la discipline : il fait pendre trois de ses archers qui voulaient violer une femme, et noyer 800 Dinandais dans la Meuse, attachés deux par deux, pieds et poings liés : "Je ne sais si Dieu l'avoit ainsi permis, dit Commynes, mais la vengeance fut cruelle pour eux." D'autres sont pendus. La ville est méthodiquement rasée ; des commissaires sont chargés de la démolition, qui des portes, qui des tours, qui des murailles, qui des ponts. Tout ce qui tient encore debout est incendié, "par telle façon qu'il semblait qu'il y eût cent ans que la ville était en ruine", écrit Olivier de la Marche."
Comme quoi, au nom d'un honnête devoir de mémoire, on ne peut éviter de se regarder dans la glace et assumer et se souvenir aussi, non seulement de ce que les autres nous ont fait, mais aussi de ce que nous avons fait aux autres.