Récit ou essai, cet ouvrage à but écologique avant l’heure nous avertissait déjà en son temps des problèmes auxquels notre planète se trouvait confrontée. De ses voyages aux quatre coins du monde, des steppes de Sibérie à la lagune de Venise, de l’Inde du nord de Bombay à la Thaïlande, du Jura à New York, Pierre Gascar se focalise sur les lichens qui à ses yeux ont valeur de symbole car ils « sont les premiers organismes vivants à disparaître par l’effet de la pollution de l’air. »
Si comme moi vous saviez peu de choses sur ce végétal formé de l’association d’un champignon et d’une algue vivant en symbiose, vous allez vite vous remettre à niveau grâce à cette lecture très instructive. Les lichens, selon les espèces, sont nourriture, médecine, alerte radioactive. Pour autant il ne s’agit pas d’un bouquin scientifique et rébarbatif, ce n’est pas l’angle adopté par l’auteur. L’écriture est très belle, à l’ancienne, cultivée mais abordable, avec des accents poétiques ou philosophiques.
Récit de voyages, enseignement scientifique, extrapolation littéraire avec le poète italien Camillo Sbarbaro (« Comment le poète, l’artiste, ne s’identifierait-il pas à ce végétal obscur et inutile, relié à la primitivité… »), poésie quand l’écrivain sait nous convaincre par ses descriptions de ces végétaux qu’il ne s’agit pas de cochonneries poussées sur les murs ou les troncs d’arbres, philosophie quand Pierre Gascar se demande si ces « espèces d’écailles (…) racornies » sont la preuve de « la mort du monde ou sa revivifiante mue. » Beaucoup de choses, dans bien peu de pages en quelque sorte.