~~d'après APPARITION de Maupassant
Lors d'un diner, rue de la Convention, Nous parlions des séquestrations. Le marquis de Magenta S'est levé Et nous raconta Une histoire qui m'a bouleversé :
-" En mars 1826. Lors d'un passage à Nice J'ai rencontré par hasard Léon des S., Un ami de jeunesse. Depuis l'université, On ne s'était Jamais revus. Il semblait fourbu Et marchait courbé.
Voici Le malheur qui lui était arrivé Et qui avait brisé sa vie : Il avait épousé Anne de Rouvrais. Cinq ans plus tard, elle mourrait. Il quitta le Vert Clos, son vieux château, Et vint s'installer à Monaco. Solitaire, rongé par la douleur, Il songeait à un suicide libérateur.
''Puisque je te retrouve, m'a t'il dit, Et que je ne connais personne ici Pourrais-tu aller au plus tôt Me chercher au Vert Clos Une lettre dont j'ai un urgent besoin. Je compte sur toi Et sur ton absolue discrétion Car hélas, pour moi, Il n'est pas question De retourner dans cette maison. '' Il m'expliqua ce que je devais faire Et me confia la clé de son secrétaire.
Je m'y rendais. Le château semblait abandonné. Dans sa chambre, le lit était défait Mais je remarquai L'empreinte d'un coude ou d'une tête, Comme si quelqu'un venait De s'y reposer. Une persienne laissée entrouverte M'offrit assez de lumière pour ouvrir le secrétaire. Je déchiffrais les suscriptions Quand j'ai senti un frôlement derrière moi.
Tout d'abord, je n'y fis pas attention. Un courant d'air dans les rideaux de soie ? Non. Un nouveau déplacement Me fit frissonner. J'allais saisir le document Que Léon m'avait demandé Quand j'entendis soupirer dans mon dos. Je me suis retourné aussitôt. Une femme vêtue de blanc Me regardait avec attention. Or, je ne crois, c'est évident, Ni aux fantômes ni aux apparitions. Elle m'a dit d'une voix douce et lisse : -" Monsieur, rendez-moi un service. " Et me tendant son peigne, elle a murmuré : -" Peignez-moi, s'il vous plait. "
La panique m'envahit. Je sautai dans l'escalier et m'enfuit.
Chez moi, en ôtant mon pardessus, J'aperçus Une mèche de cheveux longs Enroulée autour d'un bouton. J'étais si troublé par cette vision Que je ne pus me rendre chez Léon. J'ai du attendre le lendemain après-midi Pour rapporter le document à mon ami. Il était sorti. Je revins dans la soirée, Il n'était pas rentré.
Trois jours après, Personne ne l'avait revu. Alors j'ai prévenu La gendarmerie. Elle l'a recherché. Sans succès. Elle a perquisitionné dans son château Et chez lui à Monaco. Ces visites ne donnèrent rien. On ne découvrit rien de suspect. Aucune personne n'était dissimulée. Que c'était-il passé ? L'enquête n'aboutit à rien, Les recherches furent interrompues.
Depuis, j'ignore ce qui est advenu. "