Magazine Culture
On a bon goût en matière de polar dans les Espaces culturels Leclerc... Fred Vargas succède, pour la quatrième édition du Prix Landerneau polar, à Caryl Ferey, Paul Colize et Hervé Le Corre.
Retrouver Adamsberg, le commissaire fétiche de Fred Vargas,
c’est comme enfiler des pantoufles dans lesquelles on se sent bien et dont on
ne veut pas changer, même si elles sont usées. Après pas loin d’un quart de
siècle, sept romans, quelques nouvelles et une bande dessinée (avec Raymond
Baudoin), l’enquêteur de L’homme aux
cercles bleus est devenu mieux qu’une silhouette familière : un
compagnon de route dont on sourit de retrouver les traits de caractère, les
tics de provincial obstiné, une lenteur proverbiale et un entourage
professionnel dont on a fini par prendre la mesure, même s’il réserve encore
des surprises.
Quatre ans après L’armée
furieuse, le nouveau roman de Fred Vargas, Temps glaciaires, remet donc Adamsberg en selle, pour une enquête
où il fait de grands écarts géographiques et historiques. Sur la carte, il y a
l’Islande, où s’est déroulé, dix ans plus tôt, un drame dans la brume et le
froid. Sur la ligne du temps, il y a Robespierre et une association qui, au
prétexte d’étudier ses écrits, reconstitue les séances de l’Assemblée nationale
pendant la Révolution, les discours étant interprétés en costumes d’époque.
Au point de départ d’une affaire à tiroirs et à pistes maquillées,
un banal suicide : le cadavre d’une femme a été retrouvé, veines ouvertes,
dans une baignoire. Pas de quoi, a priori, mobiliser l’équipe d’Adamsberg.
Sinon que Bourlin, le commissaire en charge d’un dossier que le juge aimerait
classer rapidement, est intrigué par un de ces signes énigmatiques dont Fred
Vargas aime parsemer ses romans depuis L’homme
aux cercles bleus. Cette fois, il s’agit d’une sorte de H dont la barre,
oblique, se double d’une courbe. Danglard, l’érudit de la bande, sera peut-être
capable de faire la lumière sur sa signification. Mais non : aucun
alphabet, à sa connaissance, n’utilise ce qui n’est donc pas une lettre.
Le suicide d’Alice Gauthier est cependant, en raison de ce
signe intrigant, douteux. Il n’en faut plus pour titiller la curiosité
d’Adamsberg qui, avec Danglard, accompagne Bourlin chez le destinataire d’un courrier
qu’Alice Gauthier avait envoyé peu avant sa mort.
A partir de là, il n’y a plus qu’à tirer les fils. Sinon que
la pelote est plutôt serrée et que les fils en question amènent à davantage de
questions que de réponses. Le temps de formuler ces interrogations, d’autres
cadavres, accompagnés du même signe, ont été découverts.
Voilà pourquoi Adamsberg et Danglard se retrouvent un soir,
costumés et perruqués, à écouter un discours prononcé par Robespierre le 17
pluviôse, an II. Voilà aussi pourquoi Adamsberg et Violette Retancourt, la plus
massive de la brigade, se retrouvent un jour à sonder des trous de piquets en
Islande.
C’est conduit à la perfection, bien que sans grands sursauts. Mais c’est
tellement confortable qu’on ne s’en lasse pas.