Quel est le point commun entre un avion russe sans pilote qui viole le territoire aérien du bloc de l'Ouest et une épouse qui apprend l'infidélité de son homme ? Une chute spectaculaire, terrifiante et de toute beauté.
C'est l'histoire vraie d'un MiG-23 qui s'est écrasé le jour de la fête de l'indépendance américaine, le 4 juillet 1989 près de Courtrai, en Belgique. Cet incident diplomatique (puisqu'en temps de guerre froide, les deux blocs tenaient farouchement à leurs positions géographiques) aurait pu avoir des répercussions fâcheuses. Mais heureusement, il n'y avait pas de pilote dans l'avion (sinon, on aurait pu penser à un attentat ciblé) et l'URSS était alors dirigée par l'homme d'état le plus courageux et le plus ouvert qu'elle ait connu, un immense réformateur qui avec talent et pugnacité a lancé sa perestroïka et a permis la chute du Mur berlinois, l'émancipation des pays baltes etc. Monsieur Mickaël Gorbatchev, prix Nobel de la Paix 1990, nous manque beaucoup. Du coup, le bloc de l'Ouest a bien agi, en n'intervenant pas ! [ Personnellement, j'aurais préféré qu'ils détruisent cette arme volante qui a tué en atterrissant, même si je comprends le geste diplomatique ]
Bref, les hautes autorités militaires en poste en Belgique ont certainement halluciné en voyant évoluer cet objet volant sans cockpit et sans pilote, ont douté un temps de sa dangerosité avant de comprendre l'erreur technique de l'appareil (un moteur qui fait un arrêt cardiaque en plein vol puis s'automasse et ressuscite : cela n'arrive pas souvent ! D'où la réaction salvatrice du pilote de quitter un truc qui ne fonctionne pas terrible).
Alors, que vient faire Vera dans cette galère ? Elle-même se le demande. On ne peut pas dire que cette journée du 4 juillet 1989 ait bien commencé pour elle. Elle apprend par voie téléphonique que son mari court après/ course la jupe d'une étudiante (Carla). À peine remise de trois verres de whisky, elle a le droit à une visité hospitalière particulièrement corrosive. Mais Vera semble de nature tenace et ne lâchera pas l'affaire. À moins que la dernière scène l'achève totalement, ce qui serait parfaitement compréhensible.
Tom Lanoye nous fait vivre cette journée en temps réel, en orchestrant une intrigue dessus, en faisant intervenir les militaires, le pilote Andréi un peu fâché contre lui-même qui n'ose plus rentrer à sa base, les civils (la famille de Véra et les journalistes qui se tâtent à relayer/relater l'affaire). Avec son ton railleur, son humeur percutant mais jamais méchant, Tom Lanoye épingle les travers de la Belgique (et de toute démocratie qui se respecte), de la société (les petits chefs, les décisions et les coups bas à prendre/ à rendre). Accordant la parole tour à tour à Andréi, à l’État-major, à la presse et à Vera, Tom Lanoye jamais ne lasse. Tout le monde y passe et Tombé du ciel n'en demeure pas moins foncièrement réjouissant. J'en demande encore.
pages 70-71 « Il vole vers Bruxelles », grommela-t-il. « D'une pierre deux coups. Le siège de l'OTAN et de l'Europe. Et il ne faut pas oublier », grimaça-t-il en tournant tout de même la tête vers les deux taupes, « c'est le siège de quatre des six gouvernements belges.» Le démocrate était éberlué. « Comment est-ce possible ? Six gouvernements pour dix millions de personnes ?» - « C'est ce qui arrive quand il y a énormément de démocrates et beaucoup trop de taxes », dit le républicain. »
Traduction de Alain van Crugten Éditions de La Différence
avis : Laeti (mille mercis de ce conseil)
et un de plus pour les challenges de Philippe et de Anne et Mina (coucou les filles : je suis hors délai, je le sais, mais ce n'est pas une raison pour ne pas louer votre initiative)