La grande salle de l’ABC était pleine, lundi 27 avril, pour la projection en avant-première de « On est vivants » (sans point d’exclamation), de Carmen Castillo, réalisatrice d’origine chilienne. Celle-ci a réalisé ce que l’on appelle un « film choral », donnant la parole à de nombreux intervenants ( surtout des intervenantes, en fait ), un film avec un fil conducteur constitué par la parole de Daniel Bensaïd, né à Toulouse, décédé en 2010, l’un des militants les plus connus de ce qui constitue aujourd’hui le NPA, Nouveau Parti Anticapitaliste (autrefois la Ligue Communiste Révolutionnaire).
Bien entendu il n’est pas dans notre propos de faire une analyse politique de ce film. Un « docu militant » n’est pas perçu de la même manière lorsqu’il passe à la télévision, lorsqu’il est projeté dans une enceinte réservée (congrès d’un parti politique, par exemple), ou lorsqu’il passe au cinéma.
Voyons le donc comme un film de cinéma, même si évidemment nous ne sommes pas dans la même cour que «Fast and Furious 7». Le film dure 1h43, et, comme indiqué plus haut, il est constitué principalement d’interviews de militantes se battant pour des causes diverses, et parfois fort éloignées les unes des autres. L’Amérique du Sud est très présente dans le film, puisqu’on y évoque le mouvement des « sans terre » au Brésil (avant l’élection de Lula) ainsi que la lutte des paysans boliviens contre un projet de privatisation de l’eau potable. Mais il y a peu de similitudes avec les deux autres théatres de luttes présentés dans ce film, à savoir les actions de quartier dans les cités du nord de Marseille, et surtout la «réunion de fin de grève» à la raffinerie Total de Donges, en 2010.
Cette construction est à la fois la force et la faiblesse de ce film : « faiblesse » parce que le monde ouvrier de Donges (à 100 % masculin) ne fonctionne pas du tout de la même manière que le monde des paysans et des paysannes de Bolivie, qui vivent dans un pays en voie de développement, un pays qui venait d’élire, au moment des interviews réalisés sur place, le président Evo Moralès. Mais «force» aussi, grâce à la qualité des interviews de Carmen Castillo, que ce soit en Amérique du Sud ou en France, et aux vrais moments d’émotion et de lucidité que le film dégage (l’interview du délégué CGT de Donges, au bord des larmes).
Lors du débat qui a suivi la projection, cette émotion était palpable dans la salle : les jeunes militants trentenaires côtoyaient la génération de mai 68, qui devient septuagénaire… « Oui, nous avons connu de nombreuses défaites, mais certaines sonnent comme des victoires ! ». La nostalgie, camarades !
Christian Seveillac
- Date
- Du 29/04/2015 au 10/05/2015