Elle confronte le lecteur à ce que notre humanité a de plus cruellement animal. On est troublé de réaliser combien nous sommes proches des poissons, des chats, ou encore des cafards à travers des liens quasi spéculaires qui relèvent de l'instinctif. La maternité, la condition amoureuse, l'éducation sont autant de thèmes qu’explore l’auteur à travers ce prisme quasi totémique.
Il en ressort des textes qui, à travers un jeu métaphorique remarquable, nous immergent dans ce qu’il y a de plus atavique en nous, et dans ce que notre quotidien recèle de plus sauvagement mystérieux.
Après
Pétales, précédent recueil d’histoires étranges paru en 2010 chez Actes Sud, et joliment sous-titrées "nouvelles embarrassantes", Guadalupe Nettel récidive en confirmant en quelque sorte sa spécialité dans le monde de l'étrange.Cette femme qui s'exprime parfaitement en français a néanmoins écrit en mexicain. On accède donc au texte dans une version traduite, au demeurant excellemment par
Delphine Valentin.Les hommes, les femmes et l'enfant qui prennent tour à tour la parole expriment particulièrement leurs doutes.
On a le sentiment que les femmes ont l'air plus sensibles que les hommes à l'étrangeté des choses, qu'elles sont plus proches des animaux, et des plantes.On connait d'ailleurs tous quelqu'un qui prétend leur parler, les comprendre et partager avec eux des émotions.On sent néanmoins au fil de chacune des cinq nouvelles, combien les humains mesurent sans relâche le pour et le contre, pour au final ne pas réussir à trouver de "bonne" réponse aux questions qu'ils se posent sur la vie et la mort. Cette indécision de l'espèce humaine à faire des choix traverse tout le recueil. Parallèlement les animaux semblent plus sages, et plus spontanés.
Il y a des lignes remarquablement justes sur la détresse des jeunes parents, pour qui prendre soin d'un bébé exigeait d'eux un effort quasi surhumain (page 23).
On peut voir dans ce livre une forme de mise en garde contre
l'éducation qui détourne le regard de l'enfant. Tout petit, il est réceptif aux choses étranges, ne juge pas, cherche (et trouve) la magie dans la vie quotidienne. Avec le temps son éducation, en France comme sans doute au Mexique, est une mécanique qui le normalise.L'essentiel du message de Guadalupe Nettel est c
oncentré dans l'épigraphe de Pline l'Ancien : Tous les animaux connaissent ce qui leur est nécessaire, excepté l'homme.Dans son texte, elle leur fait jouer un rôle déterminant par leur conseil de m
anger son ennemi pour ne pas être soi-même dévoré, et acquérir sa force, comme on le faisait dans les sociétés primitives. On sait pourtant que le cafard nous survivra et que les insectes constituent un réservoir de protéines comme je l'écrivais dans un billet consacré à leur commercialisation en tant qu'aliment. Il existe d'ailleurs pas moins de 500 espèces comestibles recensées au Mexique (page (55).Il parait que lorsqu'elle était enfant, sa mère l'avait surnommée "cucaracha", ce qui signifie cafard en espagnol. Elle s'en amuse, appréciant le symbole de résistance et du sentiment de l'aversion que les autres peuvent porter à cet insecte. Ce terme peut être entendu comme un porte bonheur si on songe au nom que le groupe anglais a pris en associant le mot
beetle (scarabée) avec beat (rythme) pour devenir les mythiques Beatles.J'ai songé aussi à Eloge du chat, de Stéphanie Hochet ... Guadalupe Nettel a bien raison de le souligner (page 11) : En général, on apprend beaucoup des animaux avec lesquels on vit, même les poissons.