Depuis 1989, et la chute du mur de Berlin, on a créé 27 000 kilomètres de frontières additionnelles, sans parler de ceux qui tentent de redessiner les frontières, que ce soit les États-Unis, l'Irak, la Syrie, l'État Islamique ou la Post-Soviétie et Israël au jour le jour. Il n'y avait que 11 murs dans le monde quand celui de Berlin a croulé en 1989, il y en a depuis plus d'une cinquantaine. L'Ukraine étant le dernier pays en lice parlant de projet de mur afin de se protéger des Russes. La Grèce, la Turquie, la Bulgarie, l'Inde, tout le monde y prend goût.
À l'époque de la mondialisation, l'idée de la frontière devrait avoir perdu toute sa pertinence, mais au contraire elle revient, sous d'autres formes. en mur entre autre chose. La frontière la plus absolue. Le repli sur soi. Comme une face plongée sur son téléphone afin de regarder ses nombres de "like" sur ses dernières photos de Facebook.
Notre frontière pacifique ne le sera peut-être plus. Et ce, à même les gardes frontaliers canadiens qui doivent l'avoir dans le cul, Blaney.
Le pré-dédouanement existe déjà dans les aéroports, nous les partageons avec les États-Unis, c'est de ça que l'on parle quand on parle de frontières qui s'épaississent.
La frontière n'est donc plus une ligne. C'est un trait d'une couleur qui dégouline sous la pluie ou selon les humeurs du jour. Une variable malléable quoi.
La frontière est une contrainte, c'est une menace pour certains, mais c'est aussi un marché. On y fait beaucoup beaucoup d'argent sur le marché noir. 5000 dollars pour se rendre au Mexique, entre 10 et 15 000 pour se rendre en Méditerranée, etc. Le métier de "coyotes" (passeur) est risqué mais très payant.
La frontière est pourtant un grand malentendu, puisqu'on arrive jamais à considérer cette "ligne" comme une zone d'échange.
C'est le contraire de l'expression s'ouvrir sur le monde. On baisse plutôt les stores.
Il y a ce conte pour enfants populaire en Israël. C'est l'histoire allégorique de deux jeunes hommes qui veulent s'approprier le même pré. On ne s'entend pas vraiment. On finit par dresser une ligne dans le pré afin que chacun y ait sa moitié. Puis un mur. Puis, un jour le mur coupant la lumière de l'autre pour une moitié de la journée, on finit par défaire le mur. Mais on arrive jamais à se parler une fois le mur tombé.
Une rumeur veut qu'au Vermont, il y avait ce bar sur la frontière qui avait une porte aux États-Unis et une autre au Québec. Vous vous placiez les fesses aux états-Unis mais gardiez votre verre sur la table du côté du Québec puisque la loi vous permettait chez nous d'être servi plus tard dans la nuit.
Le 5 mai prochain, Anne-Laure Amilhat Szary y va d'un essai fort intelligent sur l'idée de la frontière dans le monde.