Publié le 29 avril 2015 par Universcomics
@Josemaniette
Vous voulez une histoire d'amour? Une vraie de vrai? Un cocktail de sexe, encore du sexe, et des sentiments (avec de l'action)? Alors cette nouvelle série est ce que vous espériez. La clé de l'intrigue mise sur pieds par Matt Fraction est plutôt simple : jouir arrête le temps. Une petite mort, et pas qu'au sens figuré. En fait, lorsque les aiguilles sont immobiles, Suzie et Jon restent les seuls à pouvoir se mouvoir; lorsqu'ils atteignent l'orgasme, le monde entier se met en pause. Ce qui leur permet de faire ce que bon leur semble, en toute impunité. Y compris enfreindre la loi...à moins de se retrouver face à quelqu'un d'autre possédant les mêmes dons, capable de mettre un terme à ces "crimes sexuels" qu'ils ont pris l'habitude de perpétrer. Le fond de l'histoire est en réalité une critique voilée du système éducatif occidental et de son échelle des valeurs, notamment les tabous les plus stupides qui permettent le triomphe de l'ignorance ou la propagation des maladies. Nous trouvons aussi la banque, représentée comme une ennemie, ce qui est bien dans l'air du temps (responsables de la perte du père de Suzie, et de l'infélicité de Jon). La banque qui souhaite aussi mettre les mains sur la bibliothèque où travaille la jeune femme. Il faut agir, et vite, quitte par exemple à organiser un hold-up, en arrêtant le temps. A lire ça comme ça, le pitch de départ ne manque ni d'originalité, ni de mordant. On a l'impression de lire un truc à la croisée des chemins entre American Pie à la sauce super-héroïque , et une aventure fantastique issue de la quatrième dimension. Ici la découverte des pouvoirs, de comment s'en servir, est bien entendu une métaphore de la découverte du sexe, tout simplement, lors des premiers rapports. De même il est possible de voir le fait de trouver un partenaire avec les mêmes dons étranges comme une parabole impliquant la chance de découvrir une âme soeur, quelqu'un d'unique et qui est destiné à (se) nous compléter idéalement . Histoire d'alchimie et de synchronisation sentimentales. Fraction a le mérite de décrire tout ceci sans tomber dans aucun romantisme de circonstance, et utilise le sexe comme un réservoir à anecdotes, doutes, ou plaisanteries, qui contribue à tisser un climat désinvolte et pertinent. Chip Zdarsky donne une interprétation humaine du couple de personnages dans cet album. Ce ne sont pas des gravures de mode mais tout bonnement deux êtres humains assez communs, qui pourraient se rencontrer et se plaire. La bulle temporelle dans laquelle ils évoluent est plutôt bien trouvée et pensée. C'est une explosion psychédélique de lignes et de couleurs, parfaitement apte à communiquer ce que peuvent bien ressentir Suzie et Jon lorsqu'ils sont à l'intérieur, avec les règles de ce monde parallèle qu'ils vont découvrir. Glénat tente d'offrir une seconde vie à sa ligne comics avec quelques nouvelles parutions, en ce printemps, et ce Sex Criminals est ce que la maison d'édition offre de plus abouti et intelligent, depuis longtemps. Une expérience que vous devriez tenter. A lire aussi : Zdarski dessine Howard the Duck