Il est prévu que la surface en vigne puisse augmenter de 1%, soit 8 000 hectares par an en France, trop pour Modef et Confédération. DR L'utilisation de l'article, la reproduction, la diffusion est interdite - LMRS - MAUGENDRE
En 2016, c'en sera fini des droits de plantation. Le nouveau système européen les remplacera par des autorisations dont on ne sait pas qui les gérera et sur lesquelles lorgne le négoce.
Le sujet passionne peu. Il est pourtant de nature à bouleverser la viticulture et pas seulement méridionale. Il s'agit des droits de plantation.Dans leur volonté de tout livrer au marché, l'Europe et sa Commissaire honnie des vignerons, Marian Fischer Bole, avaient envisagé en 2008 de libéraliser la possibilité de planter de la vigne sur le modèle des grands vignobles du nouveau monde. Suivie aussitôt par 26 des 27 pays de l'Union d'alors (à l'exception notable de l'Allemagne), l'Europe préparait ainsi l'industrialisation de la viticulture.C'est en 2011, quand Nicolas Sarkozy est revenu sur le vote du gouvernement auquel il appartenait, qu'est née au sein de la commission ad hoc qu'il avait créée, l'idée lumineuse d'autorisations de plantation, gratuites, non cessibles et valables trois ans.Autorisation ? Droit ? la différence ne tient évidemment pas de la sémantique. Deux syndicats l'ont vite compris : le Modef et la Confédération paysanne.Quand planter était un droit, le vigneron pouvait s'en servir ou pas, le vendre, le donner, le transmettre. Il en va tout autrement avec une autorisation qu'il faut demander. Au fait à qui ?« Un flou au plus haut niveau »
Jusqu'au 31 juillet prochain, ce sont les Douanes qui régulent en France la production (ailleurs ce sont aussi souvent des services publics). La régulation se fait facilement car elles gèrent à la fois les déclarations de récolte et le nombre d'hectares plantés. Cela évite les fraudes et les surproductions.Donc à qui faudra-t-il demander l'autorisation ? Eh bien personne ne le sait. Le vigneron héraultais Didier Gadéa, du Modef, a appris par ses collègues qui ont rencontré le ministre de l'Agriculture la semaine dernière dans le Vaucluse, que lui même n'en savait rien. Et ça inquiète beaucoup le viticulteur. "Je peux vous garantir que personne ne sait comment vont être gérées ces autorisations. La profession ne veut pas que ce soient les interprofessions. On attend les actes délégués du Commissaire européen pour avoir le mode d'emploi.""C'est le grand flou qui règne au plus haut niveau", confirme Thierry Arcier, vigneron à Saint-Pargoire et membre de la Confédération paysanne. Lui, déplore d'ailleurs que son syndicat n'ait pas pris au niveau national la dimension du problème. "La gestion risque d'atterrir entre les mains des metteurs en marché", pense-t-il tout en étant persuadé que cela ne se fera pas ouvertement mais "par la bande". "Le paysan est déjà dépossédé de son droit, il se retrouvera coincé".Un moyen de faire entrer en masse la viticulture industrielleLe Modef et notamment Didier Gadéa - dont la revendication est un maintien de la situation actuelle - pensent que si satisfaction n'est pas obtenue, la gestion doit revenir à un service public "pas au négoce"."France Agrimer ce serait un moindre mal", appuie Thierry Arcier qui dénonce comme son collègue du Modef le peu d'empressement de la FNSEA et de la Coopération à défendre un système qui était satisfaisant. Au mieux ils se déclarent vigilants, quant la député européenne Catherine Grèze parle elle-même d'"enfumage".Car le danger est encore plus important qu'il n'y parait. Alors que la surface en vignes a diminué de 11% entre 2 000 et 2010, elle pourra, à partir de 2016 augmenter de 1% par an, soit environ 8 000 hectares par an. La Confédération nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d’Origine Contrôlée pense même que cela pourrait aboutir à un doublement des surfaces plantées.Des milliers d'hectares "qui vont être développés où et sur quels marchés ?" interroge Thierry Arcier, qui s'inquiète des conséquences néfastes que cela aura sur le prix du vin et qui suspecte certains de lorgner sur ces volumes capables de générer beaucoup de profits.Car il y a un autre changement de taille. "Jusqu'à présent, les vins de table n'avaient pas de terroir spécifique", explique Didier Gadéa. C'était du surplus de production. Une année on produisait trop de Carignan par exemple, alors on le déclarait en vin de table." Le nouveau système permettra de créer de toute pièce des vignobles dévolus aux vins de table "sur de grandes parcelles irriguées, taillées à la machine et sans limite de rendement".Une entrée en masse de la viticulture industrielle et de propriétaires qui seraient plus des investisseurs que des vignerons. De quoi faire penser aux fermes des mille vaches.Et Didier Gadéa a quand même du mal à accepter que succédant à Nicolas Sarkozy, François Hollande ait continué à "liquider les droits".ANNIE MENRAS- Écrit par amenras
- vendredi 24 avril 2015