Les lobbyistes du groupe pétrolier et le gouvernement britannique ont travaillé la Commission européenne au corps pendant trois ans. Et ça a payé. En octobre, le paquet énergie retenu par l’UE est bien celui de Shell.
Les objectifs énergétiques adoptés par l’Union européenne (UE) en octobre 2014 vous ont paru manquer d'ambition ? C’est normal. Ils ont été dictés par l’une des majors du secteur pétrolier : Shell. Ses lobbyistes ont murmuré à l’oreille du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, pour exclure tout autre objectif contraignant en dehors des 27 % d’énergies renouvelables (ENR) à l'horizon 2030, révèleThe Guardian.
L’Europe vise donc désormais 40 % de réduction de ses émissions pour 2030 par rapport aux niveaux de 1990, sans avoir fixé les moyens d’y parvenir et sans objectifs par Etat, un point particulièrement contesté par le Royaume-Uni lors des discussions, rappelle le quotidien britannique.
Laissons le carbone dans le sous-sol
A l’époque, l’ancien président de la Commission européenne rappelait que “le nouveau ‘paquet énergie climat’ est une très bonne nouvelle pour notre combat contre le changement climatique”, ajoutant que“nulle autre région dans le monde n’est aussi ambitieuse que l’UE”
Mais le quotidien britannique s’est procuré plusieurs documents qui démontrent que certains points clés de l’accord figuraient dans des propositions des lobbyistes de Shell dès octobre 2011. Ces derniers auraient convaincu Barroso d’abandonner la formule préexistante, qui liait les objectifs à des lois contraignantes sur l’énergie. Le principal argument des lobbyistes ? Une transition énergétique vers le gaz naturel (moins émetteur que le charbon ou le pétrole) permettrait à l’Europe des économies de 500 milliards d’euros par rapport à un tournant vers les énergies renouvelables.
“Ça gaze pour l'Europe quand l'Europe met les gaz ?”,écrivait Malcolm Brinded, ex-directeur général de la branche Amont (exploration et production) de Shell, dans une lettre de cinq pages adressée à Barroso.Shell est le sixième plus grand lobbyiste à Bruxelles, et la société dépense 4,5 millions d’euros par an auprès des institutions européennes, rappelle le registre de la transparence de l’UE.La firme britannico-néerlandaise a amassé 460 milliards de dollars en 2013. Elle est la cinquième entreprise mondiale, cette année-là, en terme de chiffre d’affaires. Elle emploie 92 000 personnes. Publié le 28/04/2015