Inspiré du manuscrit "Vie de Jude", découvert en 1950, en Egypte (près d'Abydos), le roman de Françoise Chandernagor révèle la fratrie biologique - nombreuse - de Jésus, Christ des Chrétiens, supposé fils unique par une Eglise qui voulait à tout prix maintenir le dogme de la virginité perpétuelle de Marie.
Voilà qui est pour le moins nouveau pour nos yeux de cathos élevés dans la conviction imposée d'une famille réduite.
" Nous étions cinq frères orphelins, mais un seul était fils unique."
Narrateur d'un récit riche de Cinq Livres, Jude est le benjamin d'une famille de sept "enfants vivants". Ses frères aînés se prénomment Jésus, Jacques, José et Simon.
" Mon père, homme juste était un charpentier qui fabriquait des portes, des jougs, des bras de meule et des manches de charrue. Ses voisins le surnommaient Netzer , « le Rejeton », car, malgré la modestie de son état, il était fier de la souche dont il sortait et des nobles ancêtres dont il avait hérité la vigueur. Mais je ne connus ni sa force ni son visage : il mourut peu de jours avant ma naissance ; et je naquis fils de veuve, suçant les larmes du deuil avec le lait."
Adoptant avec brio le parler biblique de l'époque, la romancière donne un tour évangélique au témoignage d'un cadet et à la diaspora familiale qui suit la mort de Jésus. Ce faisant, elle réalise une radioscopie de la Palestine du premier siècle, ses tensions politiques, religieuses, les premiers pas du christianisme et nous livre en un chapitre généreux, étoffé, les sources qui ont alimenté son travail et l' '"atelier" de son écriture.
Un opus colossal
AE
Vie de Jude, frère de Jésus, Françoise Chandernagor, roman, Ed. Albin Michel, avril 2015, 400 pp