Pour lutter contre les patent trolls,
Google va expérimenter une nouvelle riposte. Lundi 27 mars, le moteur
de recherche a annoncé le prochain lancement d'une
plate-forme permettant aux inventeurs et aux entrepreneurs de lui vendre
les brevets qu'ils détiennent. Une première phase se déroulera du 8 au
22 mai, seulement aux Etats-Unis. Chacun est invité à fixer la somme
qu'il souhaite obtenir. Si la société est intéressée, elle promet une
transaction rapide, avec un paiement avant la fin de l'été.
"RAREMENT POSITIF"
« Les détenteurs de brevets les
vendent pour différentes raisons, comme la nécessité de lever de
l'argent ou un changement de stratégie d'entreprise. Malheureusement, le
marché traditionnel peut être compliqué, note Allen Lo, responsable des brevets chez Google. C'est particulièrement le cas pour les petits acteurs, qui finissent parfois par travailler avec des patent trolls.
Ensuite, des choses négatives arrivent, comme des procès. Cela
débouche rarement sur quelque chose de positif pour le propriétaire
originel. »
Les patent trolls ou « chasseurs de brevets »,
sont des firmes dont l'essentiel de l'activité consiste à acquérir des
brevets avec pour seul objectif de revendre des licences aux entreprises
souhaitant les utiliser. Pour obtenir gain de cause, elles n'hésitent
pas à saisir la justice. La grande majorité des procédures judiciaires
concerne de petites sociétés, qui préfèrent souvent négocier un accord à
l'amiable, faute de moyens financiers et humains pour se défendre. Mais
Google est également concerné.
MAUVAISES MAINS
Le géant du Web entend désormais couper l'herbe sous le pied aux chasseurs de brevets
en les prenant de vitesse. Il veut racheter les brevets en vente avant
qu'ils ne tombent entre de mauvaises mains. Et ainsi éviter de futures
attaques si un des ses produits utilise une technologie similaire. Cela
lui permettrait d'échapper à de longues et coûteuses procédures, voire à
un versement de royalties. L'an dernier, il avait été condamné à
reverser 1,36 % de ses recettes publicitaires à un patent troll. Une décision finalement cassée en appel.
L'entreprise se réserve aussi le droit d'utiliser ces brevets « de toutes les manières habituelles ».
Cela veut dire les garder pour elle ou vendre des licences
d'exploitation. Mais aussi s'en servir pour lancer des actions en
justice ? En 2013, Google s'est engagé à ne déclencher que des
procédures défensives en matière de propriété intellectuelle. Il a
depuis enterré la hache de guerre avec Samsung. Puis avec Apple.
Mais en enrichissant son portefeuille de brevets, il ajoute aussi des
munitions pour dissuader tous ceux qui penseraient l'attaquer en
justice.
COUR SUPRÊME
Google déclenche son offensive à un moment délicat pour les patent trolls,
qui ont récemment enregistré d'importantes défaites pouvant servir de
jurisprudence. Ces revers sont la conséquence d'une décision de la Cour
suprême des Etats-Unis. En juin 2014, la plus haute juridiction du pays
avait très nettement réduit le champ d'application des brevets sur les
logiciels. Depuis, de nombreuses procédures ont été rejetées par
différents tribunaux américains, estimant que les brevets concernés ne
protégeaient pas de véritables inventions.
Les chasseurs de brevets
pourraient aussi faire face à une nouvelle réglementation. Mais la
réforme du système est toujours au point mort au Congrès
américain. Soutenus par de nombreuses sociétés high-tech, des
parlementaires souhaitent instaurer des obligations de transparence
supplémentaires. Il veulent aussi accorder aux juges le pouvoir
d'imposer une prise en charge des frais de justice de la défense en cas
de procédure abusive. Les chances de voir ce projet aboutir semblent,
cependant, encore assez minces.
Source : LeMonde