"Comme une brûlure"
Actuellement à l'affiche au Théâtre 13 côté Seine : la pièce de Naomi Wallace La Carte du Temps, mise en scène par Roland Timsit. Un spectacle que j'ai découvert avec plaisir il y a deux ans lors du festival OFF d'Avignon. Vous retrouverez ici l'article que j'avais écrit alors.
Photo Lot
Trois courts récits qui nous parlent des hommes et des femmes au coeur de la guerre : avec La Carte du Temps, Naomi Wallace replace l'Homme au centre de l'Histoire, au delà des images télévisés auxquelles nous nous sommes peu à peu habitués.
Une femme palestinienne vient en aide à un jeune soldat israélien apparemment égaré au milieu d'un zoo. Un père de famille palestinien veut absolument rencontrer une infirmière israélienne qui a subi une transplantation cardiaque. Un colombophile irakien nous raconte sa passion tout en faisant de larges digressions sur le reste de sa vie. Voilà les héros de Naomi Wallace. Des personnages inspirés de faits réels, de vrais gens en somme, broyés par un conflit qui les dépasse. Tous ont en commun de vouloir dépasser le manichéisme de la guerre. Pas de gentils ni de méchants, juste des être en souffrance qui vont par leur humanité tenter d'être plus fort que la monstruosité ambiante. Avec leurs mots, leur démarche à contre-courant, ils disent non à la haine, la vengeance.
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La dramaturge américaine nous avait déjà saisis avec Une puce, épargnez-là, pièce entrée au répertoire de la Comédie-Française au printemps 2012. Parler de ce qui dérange, avec des mots parfois très durs, choisir des personnages en rupture avec les normes sociales : on retrouve ces aspects dans La Carte du Temps.
Naomi Wallace parvient une fois de plus à nous toucher. La mise en scène de Roland Timsit est sobre, laissant le texte vivre par lui-même. Même s'il y a une certaine douleur à entendre cela, une certaine gêne face aux souffrances endurées, une forme de poésie se dégage de ces trois récits. Le troisième en particulier, intitulé Un monde qui s'efface. Un long monologue magistralement interprété par David Ayala que l'on connaissait plutôt dans un registre comique (La Comédie des erreurs de Shakespeare, mise en scène par Dan Jemmett). Au travers de l'histoire des pigeons qu'il élevait jadis avec amour, cet habitant de Bagdad nous décrit surtout comment sa vie a basculé à cause de la guerre - celle de 1991 - puis de l'embargo. Bouleversant, sans mièvrerie ni bons sentiments.
La Carte du Temps de Naomi Wallace (traduction Dominique Hollier), mise en scène Roland Timsit. Avec David Ayala, Oscar Copp, Abder Ouldhaddi, Lisa Spatazza, Afida Tahri, Roland Timsit. Au Théâtre 13 côté Seine, mardi, jeudi et samedi à 19h30, mercredi et vendredi à 20h30, jusqu'au 7 juin 2015. Réservations au 01 45 88 62 22. Durée 1h45