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A priori, tous les prénoms sont imaginables pour un
brocanteur, comme pour n’importe quelle autre profession. Même si on pense
d’abord à Louis, série télévisée oblige, Franz Bartelt a trouvé plus original :
le personnage principal du Fémur de Rimbaud – bel objet, s’il existe, pour une brocante – s’appelle Majésu.
Majésu Monroe. Il ne se prend pas pour n’importe qui, comme il le dit
d’emblée : « Autant jouer
cartes sur table : je ne suis pas n’importe qui. » Il a même, à
le suivre, toutes les qualités. Pas étonnant que les femmes lui tombent dans
les bras. Car il a le même bagout pour se présenter sous son meilleur jour que
pour attribuer aux objets qu’il vend une histoire qui leur donne de la valeur.
Une bague quelconque ? Elle a appartenu à la sœur de
Raspoutine. Un cure-dents ? C’est celui de Landru. Un fil à plomb ?
Un bâtisseur de cathédrales l’a utilisé. Quant à Rimbaud, il ne va pas jusqu’à
proposer son fémur à la vente mais une chaussette trouée au gros orteil,
pourquoi pas ? Et un authentique accent circonflexe pourrait séduire un
spécialiste… Bref, Majésu est un baratineur en grand, du genre qui ne recule
devant aucune affabulation pour convaincre son interlocuteur. Ou son
interlocutrice, Noème (comme on dit poème), fille révoltée d’un riche
entrepreneur, séduite par l’aveu que lui fait Majésu : il a égorgé un
patron, comme elle a toujours rêvé de le faire avec ses parents, ennemis de
classe.
L’embrouille est majuscule, bien plus complexe que les
mensonges du brocanteur sur sa marchandise. Elle implique un flic sympa, bien
obligé de considérer le héros malgré lui comme un coupable potentiel, tant la
parole libérée peut se révéler source d’ennuis. Surtout quand Noème, de bohème,
passe au statut d’héritière et se trouve encombrée d’un mari dont elle n’a plus
l’usage.
Franz Bartelt a l’imagination fertile. Et pas
seulement pour les prénoms.