Laurentie

Publié le 28 avril 2015 par Hunterjones
Avec les nouvelles applications de Iphone, il y a cet icône carré blanc avec un coeur dedans appelé "santé". On y compte entre autre quotidiennement les pas marchés, la distance parcourue et les étages montés. On y calcule aussi une tonne de trucs comme le sommeil et les pulsations cardiaques, mais pour le moment je m'amuse beaucoup à regarder tout les jours comment je fonctionne avec mes pas, mes distances et mes étages.
Mon record est de 28 783 pas dans une journée.
18,4 kilomètres dans cette même journée.
14 étages.

Ce jour-là c'était dimanche. Inutile de préciser que j'étais crevé et qu'en fin de soirée, rien ne m'aurait dévissé du divan devant le match Ottawa/Canadiens. Celui qui allait être le dernier des Sénateurs. Bien que crevé, je l'ai écouté debout presque tout le long. À me ronger les sens. Nerveux. Angoissé. J'ai dû rajouter une tonne de pas inutiles sur mon téléphone sans le réaliser, bien que la plupart du temps, je ne l'avais pas sur moi (nécessaire afin de bien compter les stats).

Même si crevé, je n'arrivais pas à me coucher pour dormir. J'ai saisi le film sur ma pile de films à visionner et l'ai écouté dans la nuit.
Le buzz d'après victoire. La défaite. À saveur de victoire.
Le film de Simon Lavoie et Mathieu Denis est un véritable bijou. Je l'avais aimé une première fois, je l'ai adoré la seconde. Je suis fort heureux de le compter dans ma vidéothèque. Le film est un magnifique coup de poing. MAGNIFIQUE. Les derniers mots du film sont de Hubert Aquin. Ça traite d'inertie. C'est à l'inertie que s'attaquent Lavoie & Denis. Deux brillants réalisateurs qui ne cèdent pas à la folie du montage de mongol à la Baz Luhrmann. Les plans durent en moyenne entre 5 et 9 minutes. Laissant le temps s'installer et le spectateur se porter nettement attentif à ce qui est à l'écran. Emmanuel Schwartz est à l'écran et il est tout simplement stupéfiant. Désorienté majeur, il négocie extraordinairement mal son rapport à l'autre. Surtout si il est anglophone. Lavoie et Denis nous offre un jab à ces idéalistes de 1960 qui voyaient en la Province, une république d'où le film tire son titre.

C'est drôle de constater que dans le mot désintégration il y ait le mot intégration.  On voit les deux dans ce film. Un contraire de rapprochement entre un être pleinement réalisé et un autre en déroute. Il y a facilement 5 plans qui seront des tortures pour les amateurs de films moyens. La plan d'ouverture à lui seul nécessite l'assurance que les enfants soient couchés. Un autre plus loin dans la salle de bain du party du voisin est un total désoeuvrement. Le mot inconfortable se place facilement 5 à 6 fois.
Et c'est merveilleux.
La vie n'est pas toujours confortable, loin de là. Et le cinéma n'a pas le devoir d'être toujours confortable. Le spleen, le malaise Québécois ne pouvait pas être confortable.
Ce très brillant (bien que sombre) film pisse sur Dollard-des-Ormeaux, pirate malchanceux maladroit avec les barils de poudre, mais encensé par les autorités religieuses avides de héros et de martyrs propres à stimuler le sentiment patriotique.
Lavoie & Denis, avec Schwartz, nous offrent un martyr.

Le malaise existentiel tapisse le film de bout en bout et on est reste pour le moins bouleversé. La mort en sursis est partout dans ce deux heures. La crise identitaire. La poésie.
Je ne saurais recommander ce film à tous car les inconforts sont nombreux pour l'amateur de cinéma dit traditionnel, mais pour qui s'intéresse en son Québec, je le suggère très fortement. Schwartz dans le film c'est un peu Meursault chez Camus. Voilà pourquoi j'ai probablement tant aimé. Mais surtout, c'est l'intelligence avec laquelle on a appliqué l'ensemble qui me séduit beaucoup.
Lavoie & Denis me donnent beaucoup d'espoir en notre cinéma.
Tout en me décourageant des Hommes.
Étrange feeling.
Le manque de sens qui habite leur Louis Després et souligné par les auteurs chez leur protagoniste principal fait réfléchir.
Devrait en tout cas.
C'est à ça que sert aussi le cinéma des fois.