« On est le 18 août, j’aime un garçon qui en aime un
autre, j’attends un enfant de lui, et j’ai mis le premier pull que j’ai trouvé
dans l’armoire, alors qu’il doit faire vingt-six degrés, parce que cette nuit,
en une seconde, j’ai eu peur de continuer la vie, comme ça. »
Voila, tout est dit. Je spoile à mort mais tant pis, l’intérêt
du roman n’est pas selon moi dans l’histoire mais dans son traitement. Jeanne
passe toutes ses vacances chez sa grand-mère. Elle y retrouve Julie, Chloé, Baptiste, Tom et
Lucas. « Pas une histoire d’amour. Une histoire d’amitié. Sévère.
Inséparables, forcément. Bancals, des failles, des fous rires, des zones d’ombres,
des mensonges sans doute, des nuits blanches, des mains, sans cesse dans d’autres
mains. » De Lucas, Jeanne est follement amoureuse. Elle va se donner à lui
comme elle ne s’est jamais donnée auparavant : « Dès que l’on se
retrouvait seuls, Lucas prenait ma main, et puis ma bouche, et puis moi, tout
entière. Et c’était la plus belle chose qui m’était jamais arrivé dans ma vie. »
Sauf que Lucas n’est pas vraiment celui qu’elle croit et que l’amour absolu qu’elle
lui porte n’est, malgré les apparences, pas réciproque.
Je disais que l’histoire comptait moins que son traitement
et c’est réellement le sentiment que j’ai eu en refermant ce court roman. Parce
que Madeline Roth dit la douleur affective, le chagrin qui vous laboure les
entrailles, le vertige de la perte comme rarement je l’ai lu dans un texte pour ados.
Le monologue de Jeanne est aussi puissant que lucide, aussi sincère que
touchant. Lucas est en elle, partout, tout le temps, cicatrice béante marquant
ses chairs au fer rouge, tatouage qui électrise chaque grain de peau et n’a
rien d’éphémère. C’est la confession d’un déchirement, avec une fenêtre ouverte
sur une possible reconstruction. Mais la trace restera indélébile, quel que
soit l’avenir. Magistral.
A ma source gardée de Madeline Roth. Thierry Magnier, 2015.
60 pages. 7,20 euros.
Un titre ramené du dernier salon du livre. J’y étais, évidemment, avec Noukette, nous ne pouvions, évidemment, que le lire ensemble.
L’avis de Moka