Nous avons rencontré les mecs de Disco Anti Napoleon aka DAN à la veille de leur concert au Ferrailleur pour présenter leur premier album, Ascent.
Pourquoi tant de haine pour Napoléon ?
Jordan (chant, guitare): Parce que Napoléon-Ville était le nom de La Roche-sur-Yon ! (rires) En fait, on avait d’abord « DAN », et il a fallu trouver un acronyme.
Tristan (basse) : « DAN » aurait été un enfer pour nous retrouver sur Internet. On a eu plein d’idées d’acronymes, y compris des trucs en allemand, mais le seul duquel on arrivait à se souvenir, c’était Disco Anti Napoleon. On avait aussi eu l’idée d’avoir un nom différent pour chaque concert, mais le nom s’est imposé de lui-même. A un moment, on a voulu changer, mais plein de dates sont tombées à ce moment-là, c’était trop tard, du coup Disco Anti Napoleon est resté, malgré nous, mais finalement ça nous fait marrer.
Comment le groupe s’est-il formé ? Aviez-vous déjà une idée du style musical que vous vouliez proposer ?
Jordan : Thomas (clavier, ndlr), Renaud (batterie, ndlr) et moi, on s’est rencontré à Rezé. Ensuite on a rencontré Tristan à Nantes, qui faisait du son comme nous. On a voulu mettre nos travaux en commun, et on a prévu une répète.
Tristan : On s’est rencontré au Lieu Unique, et on se faisait écouter nos démos dans nos walkmans ! Ils avaient déjà un morceau qui tournait un peu, où Jordan faisait de la basse. Finalement j’ai pris sa basse pour que lui fasse de la guitare. Et la musique est venue au fil du temps.
Renaud : Au fur et à mesure qu’on achetait du matos…
Jordan : Quand Tristan est arrivé, ça a complètement changé le son !
Tristan : Personne n’arrive avec des morceaux prédéfinis. On part d’un riff de synthé, d’un riff de guitare ou de batterie, on improvise, et une fois qu’on se retrouve avec des enregistrements de vingt minutes, on se dit qu’il faut couper un peu ! Et pour nos premiers lives, on ne savait pas quand les morceaux devaient s’arrêter ! Avec le temps on a appris à structurer nos morceaux, et on travaille de la même manière encore aujourd’hui.
Comment définiriez-vous l’album « Ascent » par rapport aux EP précédents ? Avez-vous tiré des leçons de ces enregistrements ?
Tristan : On peut retrouver tous nos EP dans notre album mise à part Power of Love, car on trouvait qu’elle ne s’intégrait pas bien dans l’album. En fait, on a enregistré « Ascent » il y a déjà deux ans, et l’idée était d’en faire écouter quelques titres pour faire un peu de promo, sans tout balancer d’un coup. Par contre, on a vraiment pris notre temps sur le mixage. Notre producteur a récupéré pas mal de matériel au fur et à mesure, a passé nos morceaux dans des machines pour gonfler le son. C’est à ce moment-là qu’on a appris qu’on allait faire Bourges, puis les Transmusicales où l’on a rencontré plein de gens dont notre futur tourneur.
Jordan : Les EP ont en quelque sorte servi d’appât, de carte de présentation, sans avoir à lâcher l’album.
Cette période vous a ouvert des portes, vous vous êtes constitué des relations ?
Tristan : L’album a été mixé par Pegase, et notre label FVTVR est en partenariat avec A+LSO, une filiale de Sony qui s’occupe de groupes émergents. Futur compte trois groupes en plus de nous : Minitel Rose, Pegase et Rhum for Pauline. Tout ça nous a donné des moyens, pour le pressage par exemple, et on a pu faire mastériser le disque par Joe Lambert, qu’on adore, et qui a travaillé pour Animal Collective, Deerhunter… Il nous a envoyé des retours très positifs, et c’était assez cool pour nous d’avoir l’avis d’un mec extérieur.
Parlons visuel. Vos clips sembles très référencés psyché, avec les kaléidoscopes, les couleurs vives… Quel est votre rôle dans la conception de ces clips, vous donnez des directives ?
Tristan : C’est moi qui les fais ! On a le champ libre pour les clips. Le premier que j’ai fait c’était pour Blue Lawn, on a fait ça à l’arrache, on est allé dans un champ privé avec un maximum de bagnoles… Coup de bol, il y avait un mariage juste à côté, et ils faisaient tellement la fête qu’ils ne se sont pas rendus compte qu’on était en train de mettre le feu, ils ont du prendre ça pour des feux d’artifices ! (rires) Le côté cinématographique est important pour nous, on est assez fan de Greg Araki, de films de science-fiction… J’essaye de retranscrire notre musique par l’image, c’est pour ça qu’on retrouve ces kaléidoscopes, ce côté FX… On le retrouve dans notre musique où on utilise beaucoup d’effets sonores, l’écho, le phaser, etc. Je ne me cale pas par rapport aux paroles, mais par chance ça fonctionne aussi assez bien de ce côté-là.
« Ascent » est sorti au Japon. Quelle est votre vision de ce pays ?
Jordan : On adore les animés, Akira, tout ça…
Tristan : On ne connaît pas du tout ce pays, on n’a aucun recul. Ils nous font des retours, apparemment ça se passe super bien, on a 300 disques dans les bacs. Et c’est assez dingue de voir ces mises en avant dans les disquaires, avec des photomontages, des typographies japonaises…
Renaud : C’est le dernier pays où les gens sont encore fans de Cds. Ils en achètent plus que dans tous les autres pays !
Tristan : Notre gros rêve ce serait d’aller faire des dates là bas, histoire de se rendre compte de l’engouement qu’il y a pour notre groupe. Et puis ils ont les sous pour faire venir des groupes, il paraît que leurs salles sont les meilleures qui existent au monde, c’est assez dingue…
Renaud : C’est quand même particulier que ce soit le Japon, parce que c’est l’Asie, si tu arrives à percer là-bas, c’est plus révélateur qu’autre chose, vu le choc des cultures…
Justement, quel est votre regard sur les critiques, bonnes et moins bonnes ?
Jordan : On les lit pas.
Tristan : Evidemment ça fait toujours plaisir quand on a de bonnes critiques.
Thomas (synthétiseurs): Je trouve ça très mal écrit, la presse musicale… (rires)
Renaud : Le pire, ce sont les commentaires YouTube ! (rires) On lit des trucs assez marrants, de grosses discussions.
Tristan : « Nantes = gay town » !
En règle générale, on s’en fout. Mais ça fait toujours plaisir d’avoir de bons retours par une presse musicale qu’on aime, des blogs, etc.
Thomas : Moi je trouve qu’ils ne disent rien de plus que la musique, c’est de l’hypertexte, ça n’apporte rien… Se sentir obligé d’écrire quelque chose, présenter l’écoute que le mec a eu…
Tristan : Oui, Thomas est un peu sectaire… (rires) Si, ça apporte de la visibilité. Moi, j’aime bien tomber sur des chroniques hyper personnelles, sur ce que le mec a vraiment vécu. Souvent les critiques prétendent parler de l’album dans sa totalité, alors qu’en fait ils ne font ressortir que deux ou trois titres, c’est un peu bizarre. Mais après c’est cool, ça fait de la promo.. Mais je n’ai pas forcément ce réflexe d’aller chercher et lire ce qui se dit sur nous, on essaye de ne pas s’enflammer, s’il y a des chroniques, c’est tant mieux. Ce qui est marrant en revanche, c’est qu’aujourd’hui on assez peu de chroniques étrangères, alors que quand on avait balancé notre tout premier clip, ça avait fait un mini-buzz à l’étranger, on s’était retrouvé sur un site de Seattle, des blogs en Australie, en Angleterre, au Brésil… Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on est connu qu’en France…
Renaud : On a eu une surprise par rapport à Gonzaï, un site reconnu pour être très difficile.
Tristan : Il y a un blog que je suis énormément, qui s’appelle Shadazz, et qui nous adore. Pareil pour Des Roses (en train de balancer, ndlr), qui se sont retrouvés « Band of the week ». Je sais que ce sont des personnes que je peux contacter, y compris pour mon autre projet Albinos Congo. Ils m’ont dit que dès qu’on ressortirait quelque chose, ils seraient au taquet pour nous soutenir, les Inrocks aussi. C’est cool de pouvoir se sentir soutenu. Avec Albinos Congo, on s’était même retrouvé dans un Top 50, devant Busta Rhymes !
Renaud : On a eu quatre hermines dans Bretagne Actuelle ! (4/5, ndlr)
Tristan : Oui, Presse Océan et Ouest-France sont à fond aussi ! C’est assez génial de se retrouver là dedans, du coup les grands-parents viennent nous dire qu’ils nous ont vus dans le journal, et pensent qu’on ne fait plus de musique quand ils ne nous y voient pas pendant six mois !
Quel est votre regard sur la scène psyché/shoegaze actuelle, à Nantes, en France et dans le monde ?
Tristan : Il y a un gros retour du « psyché » en France et dans le monde entier ! Les Black Angels organisent leur psych-fest au Chabada depuis 2 ans avec une programmation vraiment cool et super large, et ça fait du bien dans une ville comme celle d’Angers ! Les mecs des Blacks Angels font des sortes de conférences sur le psyché et ils en parlent plutôt bien. Après il ne faut pas oublier que lorsqu’on parle de ce revival il est simplement question du style musical, le mouvement psychédélique, qui était clairement utopique, a quant à lui complètement disparu.
Après il y a un truc que je trouve hyper bizarre en France, c’est qu’il y a un paquet de groupes qui se retrouvent à faire une pâle copie des Black Angels, des Brian Johnston Massacre ou encore de Thee Oh Sees et c’est chiant de constater l’émergence de ces clones qui réduisent la musique à un phénomène de mode. Et puis de base, je ne qualifierais même pas la musique du BJM de psychédélique, je dirai plus que c’est du rock texan avec de temps en temps des sitars…
Jordan : Je ne suis pas fan de ce côté du psyché.
Tristan : Moi non plus, ça ne m’emporte pas. Pour moi le psyché c’est un truc qui te fait planer, et que tu peux retrouver plus facilement pendant un live de techno qu’en regardant un live de sous-BJM…
Jordan : Il y a une démocratisation de ce style de groupes.
Renaud : Du terme « psyché », même.
Tristan : Oui, du coup là on est en 2015 et les mecs font de du renouveau psyché des années 60 ou 90, ça commence à être bizarre. Du coup, par rapport à des personnes en France qui sont dans ce délire, Black Angels ou BJM, ils ne nous considèrent pas du tout comme un groupe psyché. Après, je me fous de cette étiquette.
Vous semblez, puisqu’on parle d’étiquettes, être plus de l’école MGMT que de l’école BJM…
Tristan : Oui, carrément. Et puis MGMT, au-delà de leurs influences, ils ont une espèce de son très actuel. Justement, moi j’aime des groupes psychédéliques des années 60-70 mais j’ai envie qu’aujourd’hui qu’il y ait quelque chose en plus. Par exemple on adore le deuxième album des Horrors, qui joue dans le revival, mais avec un truc super personnel derrière. Par contre depuis, dès qu’ils sortent un album, on a droit à un exercice de style, les mecs saute une décennie à chaque fois, le prochain sonnera peut-être comme du U2 ? C’est comme Frustration, ces mecs sont les rois du revival ! Je suis allé à un de leurs concerts, le mec dansait comme Ian Curtis, et il y avait des skinheads qui faisaient des pogos, le mec était avait les yeux révulsés prêt à faire une syncope… On s’y croyait à mort, j’avais l’impression d’être au « Disney Land » du rock. Et c’est l’enfer car quand j’écoutais leurs premiers disques, je n’avais même pas capté leurs influences, je trouvais ça cool. Mais en réalité il n’y a aucune sincérité là dedans, et ça me dérange. Je pense à Moodoïd qui vient de sortir son album, même si ce n’est pas forcément mon truc, je trouve ça mille fois plus intéressant et sincère qu’un truc comme Frustration.
Globalement on est d’accord. Tu parlais des Horrors, quand j’ai vu vos visuels j’ai tout de suite pensé à des fans des Horrors. Les contre-jours, les photos en argentique, les kaléidoscopes, les pédales d’effets qui clignotent… On pourrait croire que c’est très hipster, bien qu’il y ait des éléments qui montrent que vous vous foutez de tout ça. C’est quoi, votre regard sur la mode, la panoplie ?
Tristan : On a déjà eu un article à Nantes, titré « les quatre hipsters nantais », j’avais trouvé ça nul, caricatural et surtout Hyper réducteur. On parle juste de musique. Après peut être qu’on me prend pour un hipster par ce que j’ai une dégaine un peu Marthy Mc Fly… Puis j’ai les cheveux longs parce que je kiff le head bang et que je suis fan de Wayne’s World. Après je ne sais même pas ce que ça veut dire, à part que c’était apriori un mouvement de mec qui écoutait du jazz mais je ne vois pas bien le rapport.
Jordan : On s’habille comme on a envie.
Tristan : Moi j’aime bien me déguiser !
Parlez-nous d’Incredible Kids et du label FUTUR. Comment voyez-vous l’avenir avec eux ?
FUTUR nous a épaulé depuis le début, et puis avec la licence de Sony ça se passe super bien pour eux. A la base Incredible Kids était une sorte de cri de guerre de notre bande de potes. Rapidement on a voulu se rassembler pour mettre en avant notre musique, nos photos, dessins, etc. Donc on a créé un site – qui en ce moment est un peu en standby. Mais on organise pas mal de concerts et on se partage une émission de radio avec Renaud. Maintenant on aimerait créer un label de microédition, pour faire du vinyle, des cassettes, etc. Cela permettrait à des gens français ou étrangers d’avoir un premier objet… Mais on ne veut pas se mettre en concurrence avec qui que ce soit. Le problème avec Futur c’est qu’ils doivent faire un minimum de 500 vinyles, donc ils sont obligés d’accompagner le projet, faire pas mal de communication, etc… C’est énormément de temps de passé, et pourtant ça ne permet pas aux patrons du label d’en vivre… Enfin voilà, avec Incredible Kids on va faire en sorte de continuer.
Un mot pour ceux qui ne vous connaissent pas ?
Tristan : Venez au concert de ce soir, s’il n’est pas trop tard ! Achetez des disques, il en reste plein ! CD, vinyle, digital !
Jordan : Ecoutez sur Deezer, et faites ce que vous voulez après !
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Propos recueillis par Raphael Deur
Photos par Maël Garnier