Pour une fois, je ne vais pas faire de différences entre droite et gauche. Je vais simplement ne parler que de ceux qui constituent la classe politique dans sa globalité, ceux gèrent les affaires du pays, qui font les Lois et donnent à notre société cette matérialité si singulière héritée de la révolution française et des penseurs de lumières. C’est un long et complexe processus démocratique qui donne à cette population son pouvoir. Le peuple désigne régulièrement ceux qui vont les représenter, ceux qui édicteront en leur nom toutes les règles pour le bien de tous et du pays.
Cette impression vient brusquement de prendre une nouvelle dimension. Quand ceux qui n’avaient pas mon suffrage étaient aux affaires, il n’y avait jusque là pas trop de malaise : c’était pour moi l’expression naturelle de la démocratie. Les plus nombreux imposent aux autres leurs vues de la société. On s’y plie, et c’est ainsi, en attendant des jours meilleurs.
Mais depuis l’accession au pouvoir du Parti Socialiste, avec un programme que j’ai appelé de mes voeux, ces jours n’arrivent toujours pas. Les avancées enregistrés depuis 2012 ne compensent pas la masse de cadeaux faits aux plus aisés, et les renoncements successifs sont autant de coups de canif dans le contrat et le discours du Bourget. En ces temps-là, j’avais voté pour un homme incarnant un avenir différent, moins brutal, avec du partage, des solidarités, une autre idée de l’Europe, celle qui se soucierait d’abord des peuples. Au final, j’ai voté pour le changement et rien n’a vraiment changé, j’ai à peu près la même chose qu’avant… La seule chose qui se partage vraiment, c’est la précarité.
Juste après la victoire, l’utilité de mon expression a fait surface avec acuité particulière puisque à ce moment, nos représentants de gauche, farouches opposants au «pacte budgétaire européen», plus connu sous le nom de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), fabuleux outil d’asservissement des systèmes publics de solidarités et de protection des circuits financiers, se sont empressés de le voter… contre l’opposition de la population.
Cela rappelle également le fameux referendum de 2005 concernant la ratification du Traité établissant la Constitution pour l’Europe. Le rejet par les urnes à 56% du peuple français a été purement et simplement ignoré, balayé d’un revers de main : le texte, habilement réhabillé dans un nouveau traité (Lisbonne) a échappé au référendum qui l’aurait à nouveau repoussé, et a été approuvé par la représentation nationale avec un score digne des plus féroces dictateurs. Mais qui donc représentent nos représentants si ce n’est qu’eux-mêmes et leurs privilèges ?
Aujourd’hui, les monstruosités s’appellent TAFTA, espèce de main-mise ultra-libérale consacrant la primauté des firmes multinationales sur les Etats et discuté dans le plus grand secret, le projet de loi relatif au Renseignement, qui détruit les libertés fondamentales qu’on a défendu en nombre un certain 11 janvier, et la loi Macron, qui au prétexte de sauver le modèle social le dépèce par petit bout… Et nos représentants, ceux qu’on a élu pour porter notre voix, vont tout approuver en nous expliquant que c’est pour notre bien…
Evidemment, ne plus aller voter ne résoudra rien. J’en suis bien conscient, et un rien désabusé, mais force est de constater que pour l’heure, mon vote n’a aucune espèce d’utilité. Et je ne suis pas le seul. Envoyer aux affaires Paul, Pierre, Jacques, voire un binôme de pûre forme, parité oblige, ne fait guère de différence, sauf de mettre un nom sur la peste et le choléra. Rendre le vote obligatoire sans aborder les raisons qui motivent ce rejet massif n’a aucun sens, sauf à décrédibiliser encore davantage nos représentants. A titre d’exemple s’il en fallait un, à la toute nouvelle métropole lyonnaise, après avoir annoncé une augmentation de 5 % de la fiscalité locale, les élus se sont octroyé une augmentation de 20% de leurs indemnités. Et le monde politique s’étonne encore et toujours de l’augmentation du nombre d’abstentionnistes avec une candeur désarmante. Consternant.
Attention cependant si vous trouviez tentant de vous exprimer autrement : avec la jolie Loi sur le renseignement, alerter, dénoncer, manifester deviendra passablement dangereux. Décidemment, le monde est bien fait. Ca me rappelle les publicités du Canada Dry des années 1980 : «Ça ressemble à l’alcool, c’est doré comme l’alcool… mais ce n’est pas de l’alcool».
Un peu comme notre démocratie. Ca vieillit mal.