~~d'après L'AUBERGE de Maupassant
Pareille à toutes les hôtelleries Plantées au pied Des glaciers, L'auberge du Chat Gris Sert, l'été, de refuge aux montagnards.
Habitée et gérée par la famille Hausar, Elle ne reste ouverte que pendant six mois. Quand les neiges vont s'amonceler, Quand il fera trop froid, Les Hausar descendront dans la vallée. Pour garder la maison, ils laisseront Le vieux Gaspard, un jeune guide Ulrich Gide Et Sam, leur gros chien de berger Tous trois demeureront Jusqu'au printemps, enfermés, Bloqués par la neige.
Le petit cortège Des Hausar descend dans la vallée. Il contourne un lac gelé Et suit le vallon dominé Par les sommets enneigés. La jeune servante, Fernande Caliste Jette à Ulrich un dernier regard triste. Le lendemain, Ulrich, au lever du soleil, Refait le début du trajet de la veille Comme s'il voulait la retrouver. Puis il est remonté. Le père Gaspard cuisinait. Ulrich alla couper du bois.
Gaspard aimait chasser le chamois. Un matin, très tôt, il partit avec son fusil. Ulrich, d'un naturel dormeur, Est resté au lit Jusqu'à dix heures. Il entretint le feu Et alla au devant du vieux. Il l'appela D'un cri aigu. Sa voix courut Au loin puis s'éteignit. Mais Gaspard ne lui répondait pas Alors, Ulrich courut à l'hôtellerie. Ralluma le feu Mais ne pensant qu'au vieux. Il sortait de temps en temps Pour regarder s'il apparaissait. Ulrich pensa à l'accident. Mais pourrait-il le trouver Dans cette immensité ? il résolut de partir le chercher.
À quatre heures, il atteignait le sommet Où le vieux Gaspard Venait souvent chasser. Ne l'ayant pas trouvé, Il est rentré À l'hôtellerie Dans l'obscurité de la nuit. Il se coucha et dormit longtemps. Soudain, il crut entendre un cri Qui secoua son engourdissement Et le fit sortir du lit. Il a ouvert la porte et appelait : -" Gaspard, c'est toi ? " Personne ne répondait. Une épouvante le gagnait. Il grelottait, Certain qu'il venait d'être appelé Par Gaspard qui, dans un trou, agonisait.
Mais peut-être, avait- il déjà rendu l'esprit Qui volait vers l'hôtellerie Par la vertu qu'ont les âmes des morts De hanter un survivant qui dort Afin de le saluer D'un dernier adieu. Ulrich sentait L'âme du vieux, Derrière la porte. Il voulait s'enfuir Mais n'osait pas sortir. Car le fantôme de Gaspard rôderait ici Autour de l'auberge, jour et nuit. Désormais, le jeune guide se sentit seul, Loin de toute terre habitée, Tout seul, Le cœur torturé.
Le chien Sam s'était sauvé. Maintenant, il grattait la porte en pleurant. Ulrich cria : " Va- t'en ! ", Croyant entendre le fantôme de son ami. Une douloureuse plainte lui répondit. Perdant tout ce qui lui restait de raison, Il s'élança vers le buffet Plein de vaisselles et de provisions Le poussa contre la porte d'entrée Et ferma aussi les lourds volets. Le chien, à l'extérieur, Lui aussi devenait fou. Il gémissait Depuis une heure. Ulrich se mit à geindre comme lui.
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L'hiver étant fini, Les Hausar remontaient. Ils s'étonnèrent de trouver L'auberge fermée Et à l'entrée, Sam à demi-dépecé Par les busards. Ils appelèrent : -" Hé, Gaspard ! " De l'intérieur, un affreux cri Leur répondit. Comme ils ne pouvaient pas rentrer, Ils allèrent chercher dans l'atelier Une grosse poutre, et tel un bélier, La propulsèrent à toute volée Contre l'huis qui vola en éclats.
Derrière le buffet écroulé, Ils virent un homme débraillé Aux cheveux hirsutes devenus blancs. Ils ne reconnurent pas. Un des fils dit : -" C'est Ulrich, Maman ! " Lui, les laissa venir. Il se laissa toucher Mais ne répondait À aucune question qu'on lui posait. Ulrich fut interné Dans une maison de santé. Personne ne sut jamais Ce qu'était devenu son compagnon.
La jeune Mireille faillit mourir cet été là D'une maladie de langueur ....qu'on attribua Au froid des hauts monts.