PARIS, par Charles-Éric Perrin Gimet
Depuis près d’un mois, dans une arrière-cour du XIe arrondissement se joue une toute dernière création co-écrite par Laurence Briata et Nicolas Ronceux, qui est aussi devenu, pour l’occasion, metteur en scène aux côtés de Cécile Fertout.
Au 12 de la petite rue Edouard Lockroy, dans un petit théâtre « côté cour », mieux vaut ne pas être un grand claustrophobe pour bien l’apprécier. En tout cas, le père décédé, Richard, lui ne l’est certainement plus.
Dès notre entrée, cercueil, cierges et autres crucifix donnent le ton et imposent une atmosphère étonnamment lourde pour cette comédie satirique. Dans la pénombre après quelques minutes, la pièce est lancée.
Inspirée par les acteurs du Splendid, piquante, parfois grotesque mais toujours judicieuse, son écriture détone sans dénoter.
Pourtant, on imagine plus d’un spectateur perplexe devant le synopsis : « Après le tragique suicide de leur mère puis la mort soudaine du père, les enfants du regretté Richard, Vanessa et Nicolas, prennent enfin connaissance du testament.
A leur grande surprise, celui-ci précise que tout revient à Rose, maîtresse dissimulée de leur père, ainsi qu’à son fils Vincent. (Et c’est là que ça se corse) Ce dernier, ami de la famille depuis toujours, devient alors « demi-frère » tout en restant « amant » de Nicolas, qui pour la peine n’aurait jamais pu imaginer voir son homosexualité transformée en inceste… ».
L’histoire, contée ainsi, aurait pu facilement faire se perdre les plus téméraires, mais grâce à la fluidité de la mise en scène, imprimée par le jeu des cinq comédiens, il n’en est rien.
Et si ce n’était que pour la clarté du rendu, notre seul souci de bien faire nous obligerait déjà à les citer.
Fort heureusement ils servent bien autrement la pièce. Letizia Languillon, Camille Moingeon, Marc Jouan (drôlissime), Stéphane Neville (Homosexuel !) et Nicolas Ronceux (et oui, encore !) nous font tout autant nous réjouir.
Aussi impliqué qu’ils nous poussent à l’être, partageant jusqu’à leurs pensées les plus étonnantes à défaut d’être toujours très profondes, on se redécouvre à rire du pire.
En se jouant des thèmes difficiles que sont la mort, l’homosexualité, la religion - Monseigneur Lanu en tête - toujours sur le fil, la prise de risque est bien calculée. A ce titre, l’écriture, tendue, impose un rythme irréprochable qui, à maintes reprises si on en croit les éclats de rires ce soir-là, paye.
Mais, évidemment, qui mieux encore que les auteurs eux-mêmes pour parler de leur pièce ? Pour ce faire, nous les avons rencontré à la sortie et, bien qu’éprouvés, ils ont accepté de répondre à nos questions pour, nous en sommes maintenant certain, un autre grand moment de plaisir.
INTERVIEW - Avril 2015
Pourriez-vous vous présenter, en quelques mots, à ceux qui ne demandent, encore, qu’à vous connaître ?
Laurence Briata : J’ai grandi dans une famille d’artistes. J’ai été comédienne et metteur en scène pendant 15 ans. Mon plus grand et honorable souvenir est d’avoir eu la chance de mettre Michael Lonsdale en scène.
Je suis actuellement professeur d’éloquence pour des avocats du barreau de Paris, des personnalités politiques, des chefs étoilés et des conférenciers-historiens.
Je n’ai ainsi pas quitté le monde artistique… faire répéter des discours, plaidoiries ou conférences est un travail très musical et théâtral.
Nicolas Ronceux : Nous nous sommes rencontrés au conservatoire de Marseille. Elle était en art dramatique et moi en art lyrique.
Nous avons tout de suite réalisé que nous avions un humour assez proche et c’est ce qui nous a amené quelques années plus tard à écrire cette pièce de théâtre : "L’Héritage était-il sous la jupe de papa ?".
Je suis ensuite entré au conservatoire du Xème à Paris en art dramatique et j’ai écrit ma première pièce de théâtre “Concerto en laminoir” avec une autre comédienne Vanessa Defasques.
A qui doit-on l’idée de "l’héritage était-il sous la jupe de papa" ?
N .R. : C’est ma famille qui m’a donné les idées pour l’héritage et ses rebondissements. Mes amis et mon milieu pour les thèmes récurrents. Laurence a ensuite apporté son expérience pour nourrir les personnages et leurs péripéties.
L.B. : Nicolas m’a appelé dès qu’il a su que je m’étais installée à Paris pour que l’on écrive ensemble. Il avait déjà le sujet et désirait le partager pour l’écriture. J’ai donc totalement craqué pour cette histoire.
En quoi les acteurs du Splendid vous ont-ils inspirés ?
L.B. : C’est assez inévitable de penser à l’équipe du Spendid lorsque l’on imagine faire du théâtre humoristique. Surtout pour des personnes de notre génération, élevés avec ces textes acides, hilarants, presque "trash".
Leur faire hommage dans notre pièce est comme un remerciement et une reconnaissance envers ces génies précurseurs d’un humour décalé. Cette équipe a vraiment ouvert une porte sur une manière différente d’aborder des sujets très drôles, voire un peu tabous.
N.R. : Personnellement, ce qui me plaît tellement chez eux, c’est leur façon de créer et d’incarner des personnages absolument hallucinants et en même temps totalement sincères.
On a aussi essayé de créer de tels personnages et je me suis rendu compte qu’au détriment du côté sincère apparaissait celui du « totalement déjanté ».
Tout le travail a été de faire coexister ces deux faces des personnages et je trouve qu’au fur et à mesure des représentations les deux côtés fonctionnent bien ensemble.
Dans l’écriture il est souvent compliqué de s’accorder avec soi, seul. Comment avez-vous écrit et fait pour écrire cette pièce, ensemble ?
L.B. : L’exercice n’est pas du tout le même. Le fait d’être seule est comme un recueillement dans un silence absolu. L’écriture à quatre mains est un échange permanent jonché de fous rire et de beaucoup de paroles.
L’un est le garde-fou de l’autre. C’est assez confortable et rassurant.
N.R. : En fait il me paraît plus facile de s’accorder avec quelqu’un (qui a un peu les mêmes goûts que soi) que de s’accorder tout seul ! Je n’aime pas les pièces de boulevard vulgaires. Le fait d’écrire à deux permet de prendre cette distance nécessaire à l’écriture et qui me paraît difficile d’avoir quand on est seul.
Et il a ensuite fallu que s’accorde votre écriture à la vision du metteur en scène. Nicolas, vous êtes aussi l’un des metteurs en scène, pourquoi s'être associé à Cécile Fertout ?
N.R. : Comme je joue dans la pièce, j’ai eu besoin de mon amie Cécile Fertout pour me permettre de lâcher la mise en scène. Elle a fait un super travail et même si j’ai eu du mal à lâcher totalement la bride, on a réussi à créer une mise en scène commune, ce qui n’est pas évident.
Quand elle m’a dit une semaine avant la première que tous les personnages étaient bien dessinés sauf le mien, j’ai pu me concentrer uniquement sur mon personnage.
Un mot sur les comédiens. Comment s’est fait votre choix ? Des rôles entraient-ils en résonance avec certaines personnalités ?
L.B. : Il est vrai que la confrontation des cultures et des personnalités est un trésor pour faire rire. Nous avons donc décidé de dessiner cinq personnes très différentes sur beaucoup de plans. Même si nous ne savions pas encore qui allait camper les rôles, nous avions tout de même déjà deux comédiens en tête.
Nicolas, joue le rôle de Nicolas, et à l’époque, je devais jouer le rôle de Géraldine (malheureusement, par manque de temps, cela a été impossible). Donc consciemment, et parfois inconsciemment, nous écrivions d’abord pour nous deux.
N.R. : J’ai ensuite fait un casting pour trouver les acteurs et pour Laurence et moi le choix a été plus qu’évident. La personnalité qui se dégageait des acteurs correspondait à des visions que nous avions eues de nos personnages… mais ils nous ont énormément surpris et dans le bon sens !
Après ce mois passé au « Théâtre côté cour », quel(s) projet(s) pour la pièce ?
L.B. : Le lancement étant très positif, nous comptons bien la faire vivre longtemps et bien sûr, nous allons prospecter afin qu’elle puisse tourner.
N.R. : Je souhaite effectivement poursuivre et développer cette aventure dans ce théâtre ou dans un autre suivant les propositions qui nous seront faites. Certains professionnels sont venus et m’ont dit avoir beaucoup ri. J’espère que ça nous ouvrira des portes.
A côté, nous sommes actuellement en train d’écrire une troisième pièce avec Laurence. Toujours le même style d’humour, de construction, de ressorts comiques… et ça marche !
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