J'éprouve une telle passion pour les grands comédiens, et évidemment pour les rencontres exclusives avec ceux ci, que, lorsque l'on m'a invité (merci à toi Laetitia) à une rencontre spéciale blogueur avec le mythique Francis Huster, je n'ai pas hésité une seule seconde, et ce, même si la dite rencontre avait lieu sur Paris, soit à plus de 500 kilomètres de mon lieu de résidence.
Bon, j'avoue, contrairement à ce qu'a d'abord pensé l'organisatrice de la rencontre (la fameuse Laetitia, c'est bien, vous suivez), je n'ai quand même pas fait le déplacement uniquement pour voir en chair et en os celui qui était surnommé à ses débuts le nouveau Gérard Philipe : j'aime certes profondément et viscéralement les acteurs, mais peut-être quand même pas au point de faire 600 bornes et dépenser 150 euros pour les voir pendant 1 heure 30 et tchao bye bye.
Non, en fait, il était prévu de longue date que je revienne faire un séjour en famille dans ma région natale pour cette premières semaine de vacances de Pâques, mais lorsque j'ai vu que la rencontre était prévue pour 16h00 et que mon train arrivait en Gare de Lyon à 15h00, ni une ni deux, j'ai abandonné femme, enfants, valises et grand mère venue nous chercher, pour sauter dans le métro et prendre la direction de Montparnasse.
Et direction plus précisemment de cette géniale rue de la Gaieté où j'avais l'habitude de trainer quand j'étais parisien, tant cette rue est remplie de deux lieux que j'adore (qui a dit les sex shop? bon, c'est vrai qu'il doit y en avoir 2-3 aussi dans la rue:o) : les crêperies et les théâtres.
Si Éric Emmanuel Schmitt n'était pas présent lors de cette rencontre ( pas grave, je l'ai déjà rencontré et en tête à tête s'il vous plait), Francis Huster n'était pas seul à nous recevoir puisqu'il était accompagné de son metteur en scène Steve Suissa et c'est d'ailleurs ce dernier (acteur et également réalisateur de cinéma, notamment du "Grand Rôle" ou de "Cavalcade" deux longs métrages comprenant certes quelques maladresses mais que j'avais trouvé assez touchants) , qui nous attendait , lorsque nous sommes arrivés dans la (si petite mais si chaleureuse) salle du Théâtre Rive Gauche, un Steve Suissa arborant un air concentré sur les pièces du fameux échiquier qui tronait dans le beau décor mis en place en vue de la représentation du soir,
Suissa a été vite rejoint par Huster, particulièrement élégant en costume de scène (il parait selon Suissa qu'il est le seul acteur à porter ses tenues de scènes dès midi), mais l'air encore plus concentré que Suissa, et même particulièrement grave, un air qu'il arborera d'ailleurs tout au long de l'entretien comme si Monsieur Huster ne parvenait pas du tout à se détacher de la profondeur du texte de Zweig (peut-être que l'air grave est livré avec le costume de scène, je n'ai pas osé le lui demander).
En effet, à cause de séjours parisiens pas assez fréquents (et souvent étalés sur une seule journée, voyage en OUIGO oblige), je n'ai bien sûr pas eu la possibilité de voir la pièce avant de venir, et si j'avais quand même quelques scrupules- oui, ca m'arrive parfois les scrupules, je vous assure- à l'idée de parler d'une pièce que je n'ai pas vu, je ne pensais pas que Françis Huster en personne allait me le faire remarquer.
En effet, avant même de commencer la discussion proprement dite, il a eu envie (et c'est tout à son honneur) de sonder un peu son auditoire et de demander aux trois- quatre personnes assises au premier rang ( pourquoi me suis je mis aussi près de la salle, moi?) si ces derniers avaient vu sa pièce, et de leur demander des explications au cas où celles ci répondaient par la négative, comme je l'ai malheureusement fait ( j'attends qu'il vienne jouer sur Lyon mais ni Huster ni Suissa ne nous ont donné de garanties sur les dates de leur éventuelle tournée à venir).
Bref, lire la nouvelle de Zweig (dans une nouvelle édition du Livre de Poche avec une belle préface qui explique le contexte pendant lequel l'écrivain l'a écrite) était la moindre des choses. Et quand je parlais, quelques lignes avant, de profondeur dans le texte, j'étais encore loin de la réalité, tant ce court récit, qu'il a écrit juste avant de se suicider en pleine occupation nazie, s'avère être un pamphlet à peine voilé contre le nazisme et ses tortures psychologiques.
Aussi court soit il, ce "Joueur d'échecs" nous prouve d'une implacable façon à quel point derrière l'histoire de ce Monsieur B, l'inconnu joueur d'échecs, le nazisme a pu détruire Zweig, aussi bien l'homme que l'écrivain, d'où certainement la solution du qui, aussi radicale soit elle, deviendra inéluctable pour lui.
Dans la pièce que Huster joue actuellement, Schmitt a tellement ressenti ce lien entre Zweig et son texte qu'il a mis en scène Zweig lui même; le narrateur de l'histoire et l'écrivain ne faisant dès lors plus qu'une seule et même personne confrontée à la folie des hommes et de cette époque.
Francis Huster livre visiblement une composition admirable, et à ce propos, il est d’ailleurs nominé ce soir aux Molières dans la catégorie meilleur seul en scène en compagnie notamment de Denis Lavant et de…Françoise Foresti( une incongruité qui semble tout à fait normal aux yeux d’Huster qui considèrent que les deux font le même métier).
Et de la qualité de sa prestation, sieur Françis n'en doute pas seule seconde, tant tout, dans sa rencontre avec nous le 13 avril dernier, laisse entendre qu’il a pleinement conscience de son talent et sa maitrise d’acteur ( en même temps il a été professeur de théâtre pendant plus 30 années, c’est dire la légitimité du monsieur).
Je ne vais pas retranscrire pas dans le détail le contenu de cet entretien, déjà parce que vu la longueur de mon introduction, le billet serait vraiment interminable au possible, et puis d’autres l’ont très bien fait dans la foulée de la rencontre (notamment L'excellent site La critiquerie que je vous conseille largement de parcourir).
Sachez toutefois que pas mal de thèmes essentiels autour de la création artistique y ont été abordés, notamment celui de la condition du métier d’acteur, son rapport de travail avec le metteur en scène Steve Suissa ainsi qu'avec l’auteur Schmitt ( qu’il considère à ses yeux comme le Pagnol d’aujourd’hui) sans oublier évidemment l’inaction de Zweig pendant la guerre, attitude hautement condamnable selon Francis Huster.
Je dirais simplement, pour résumer cette heure trente de discussions ( de monologue pour être tout à fait exact, tant les questions furent peu nombreuses et que Francis H donnait un peu l'impression de faire et les questions et les réponses, mais, en même temps, soyons juste, on était avant tout là pour l'écouter parler) qu'il a sans doute manqué, de mon point de vue, un poil de complicité et de sourires dans cet échange (peut-être aussi que le thème ne s’y prêtait guère).
Cependant, on ne peut pas dire qu’Huster n’ait pas donné de son temps et de sa grande pédagogie, notamment lorsqu’il nous a expliqué, preuve à l’appui, combien Jean Gabin était un immense comédienavec si peu de mots…Un Gabin qui a eu la carrière cinématographique dont aurait sans doute rêvé d’avoir Huster, puisque celui ci a eu le succès au théâtre que l'on sait, mais n'a que très peu de films marquants au 7ème art...
Voilà notamment une question que j’aurais aimé lui poser, mais déjà que je n’avais pas vu la pièce en question, si en plus je me mettais à l’interroger sur son rapport au cinéma, il n'est pas certain que j'en aurais eu plus, de ces sourires et de complicité qui me faisaient défaut :o)
En tout cas, malgré ces zones d'ombre( mais bien que très bavard, Huster sont de ces personnalités publiques qui laisseront toujours un gros voile de mystère partir avec eux à l'heure de leur disparition) une rencontre qui restera forcément, eu égard à la personnalité et au CV de l’acteur, comme les plus intenses et mémorables de celles que j’ai pu faire depuis que je blogue…Et la quinzaine de blogueurs avec moi, qui se sont empressés d’aller lui faire dédicacer leurs programme à la fin de la rencontre, avaient largement l’air de partager mon avis…
« Le joueur d’échecs », au théâtre Rive Gauche : prolongations jusqu’au 29 août en alternance avec d'autres pièces.
Le joueur d'échecs BA
Notons que Steve Suissa, qui vient donc du cinéma, adore réaliser des bandes annonces de ses pièces de théâtre, un support de communication extrêmement bien fait et efficace en diable.
- Crédits photo: Julien Alexandre; Dameskarlette, Hélène Lailheugue
Nota Bene : j'avais pris pas mal de photos de cette rencontre- c'est aussi pour cela que j'étais au premier rang, mais comme je voulais pas trop déranger l'acteur et le metteur en scène avec le bruit de mon appareil j'ai tenté un truc pour les prendre sans faire de bruit et je me suis aperçu en quittant le théâtre qu'aucune photo n'avait été prise... Pierre Richard, sors de ce corps... du coup, j'ai du emprunté deux trois photos des autres blogueurs invités, merci à eux pour cet emprunt...
Francis Huster - Interview Théâtre Rive Gauche, Le joueur d'échecs