Tout va bien, il n’y a aucun problème et la situation économique française se redresse lentement… MAIS l’État va devoir faire quelques petites ponctions ici et là pour compenser les inévitables inégalités que le méchant capitalisme et le turbo-libéralisme ont introduites un peu partout au détriment du vivrensemble et du bonheur global. Et puisqu’il faut bien commencer quelque part, pourquoi pas par les Universités ?
Vous allez voir, c’est très simple.
L’affaire trainait depuis décembre, date à laquelle on découvrait, un peu étonné, que la loi de finances pour 2015 prévoyait une participation des établissements d’enseignement supérieur aux économies du pays à hauteur de 100 millions d’euros. Depuis, le ministère attendait un rapport des inspections générales sur la situation des établissements avant de prendre une décision.
Rapidement, la participation aux économies du pays s’est transformée en autre chose d’un peu plus savoureux : pour boucler le financement des dotations 2015 versées à l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur, le gouvernement a décidé de prélever 100 millions dans le fonds que s’est constitué une cinquantaine de facultés économes. En pratique, cela veut dire que, par exemple, l’université d’Artois à Arras va « donner » 24 millions d’euros (soit un petit quart de la somme totale) patiemment mis de côté ces dernières années, ou que l’université de Lille II devra « se séparer » de 8,75 millions, pendant que Grenoble II devra « faire le deuil » de 6,68 millions, le tout au profit de quelques établissements qui remercieront, on en est sûr, leurs confrères de cette belle entraide spontanée.
Concrètement, dans la joie, la bonne humeur et la fraternité financière bourgeonnante de ce joli printemps ensoleillé, 11 des 76 universités, 25 des 36 écoles d’ingénieurs et une dizaine de grands établissements verront leurs fonds de roulement mis à contribution. Pour faire passer la pilule, on appellera ça un « exercice de solidarité ». Et comme c’était des sommes mises de côté et pas du budget courant, rassurez-vous mes petits amis, c’est le ministère de l’Édulcoration Nationale et de l’Ensaignement supérieur qui l’affirme, d’abord cela n’affectera pas les projets d’investissement des établissements concernés, et ensuite, leurs réserves en fonds de roulement dépasseront encore 65 jours de fonctionnement, ce qui est amplement supérieur aux 30 jours décrétés suffisants par les élites du ministère.
Tout va donc très bien d’autant qu’on apprend en parallèle que cette ponction inopinée se double d’une augmentation de 200 millions d’euros des dotations aux établissements d’enseignement supérieur. Encore une fois, la tempête d’austérité s’abat sur le service public et permet d’illustrer avec brio l’extraordinaire décontraction de nos gouvernants à tabasser les prévoyants et les économes pour donner aux impécunieux et autres dépensiers, en faisant passer ça pour une saine redistribution solidaire dans laquelle les « riches » donnent aux « pauvres ».
Magnifique application du principe socialiste, d’une centralisation extrême et d’un égalitarisme à l’emporte-pièce, la solidarité forcée ainsi mise en place permet de déshabiller Pierre en prétendant rhabiller un Paul nu comme un ver, qui finira avec un petit mouchoir en guise de slip.
Mais cela va plus loin. En effet, outre la démonstration qu’encore une fois, la gestion financière n’est absolument pas le fort de nos gouvernants, cette redistribution n’est pas une erreur, ou même la tentative maladroite de la correction d’une erreur. Ces petits mouvements de fonds ne sont pas là, oups, pour essayer d’éponger, oups, une petite bavouserie comptable, oups, commise par quelques établissements supérieurs, oups. De la même façon, ce n’est pas une procédure habituelle, tout le monde en convient déjà, mais tout le monde sent que ce n’est pas non plus un arrangement temporaire ou une bidouille fugace qui ne se reproduira pas.
En fait, ce n’est pas seulement une prime aux mauvais, un bingo-bonus du déficit ou une généreuse gratification du trou de gestion élevé en art de vivre, mais c’est bel et bien … une véritable méthode de gestion socialiste. Pour le ministère, pour nos gouvernants, pour les académies concernées (surtout celles qui bénéficient de la mesure), tout ceci est certes un peu inhabituel, mais cela reste normal, prévisible et même souhaitable (ne serait-ce que pour éviter que la situation ne dégénère).
J’exagère ? Que nenni. Regardez ce qui s’est passé et se passe encore pour les emprunts toxiques : des élus ont fait, littéralement, n’importe quoi, tout en sachant pertinemment ce qu’ils faisaient et avaient sciemment calculé leur échec. Dans un pays normal, ces élus auraient été démis, disgraciés et ruinés par la force publique, honteuse de leur avoir filé les clés du coffre à confitures pour s’apercevoir qu’ils ont tapé dedans. En Socialie, on encourage, on comprend, on pardonne et on soutient. En Socialie, on en rajoute même.Et ce qui est vrai là est aussi vrai ici : on va réaliser une ponction, à l’échelle des universités, sur celles qui ont été responsables, pour celles qui ne l’ont pas été.
Or ce schéma, où l’on prend de force aux fourmis pour aider la « pauvre » cigale, ne vous rappelle rien ? Serait-ce la première fois qu’on le retrouve en République Démocratique Populaire Française ? Oh, on dirait ce petit moment douloureux où l’on força le contribuable à se porter garant de banques qui firent n’importe quoi. On dirait aussi ce moment peu agréable où la force publique fut utilisée pour éponger les myriades de chantiers publics foireux ou sauver les entreprises en faillite que l’intérêt électoral bien calculé de certains politiciens commandait de ne surtout pas laisser tomber, quand bien même elles calanchèrent plus tard. On dirait ce grand moment républicain de solidarité où, d’un trait de plume, le maréchal Pétain liquida par la force les retraites par capitalisation pour, prétendument, créer un système par répartition qui spoliera les épargnants d’alors, obérera complètement tout espoir de retraite pour nos générations et ruinera petit-à-petit les retraités actuels.
Et ce schéma se reproduira encore plus tard, à une autre échelle, sur tous les Français en général, lorsqu’il s’agira une fois encore de sauver Ce Modèle Social Que Le Monde Entier Nous Envie. Ceux qui ont épargné, mis de côté, seront mis à contribution lors d’un bon gros chyprage de leurs comptes.
De même que Chypre n’était qu’une répétition, la ponction forcée des universités françaises les plus économes au profit des établissements mal gérés est une excellente illustration de ce qui attend tous les Français.
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