Une femme célèbre est un roman singulier, étrange qui entremêle 2 destins comme une mise en abime celui de Jeanne la narratrice mère de Nino, qui travaille à la télévision et à la radio et le destin d’une autre femme de média réelle celui-là: Denise Glaser.
Le récit est à la première personne et nous raconte les peurs, les désirs, le mal être de la narratrice dans sa vie professionnelle et personnelle. Elle a l’impression d’être une usurpatrice d’avoir volé sa place dans les médias par la chance et ses relations. Elle est fascinée par le destin de Denise qu’elle voit comme un reflet, une sorte d’avertissement à sa propre vie.
Elle vit une relation compliquée avec le père de son fils, toujours absent, elle est la maîtresse d’un critique littéraire qu’elle ne désigne que par une lettre W. Son fils est au cœur de sa vie, il y a de très beaux passages sur cette relation mère-fils. Il est aussi question d’amour, de passion notamment avec sa relation compliquée avec W.
En filigrane, on a le récit de la vie de Denise Glaser pionnière à la télévision qui recevait les grands artistes de son époque dans son émission Discorama, femme de gauche licenciée en 1975 pour ses opinions politiques, qui espérait revenir à la télévision après 1981 et qui est morte seule et abandonnée par le métier. Ce récit réel celui là éclaire en contrepoint l’histoire fictive et les tourments de Jeanne.
On découvre les luttes de pouvoir, la dureté de ce monde des médias avec les lettres d’insultes que recevaient Denise et la narratrice à qui on reproche pour Denise ses robes trop féminine, à Jeanne son inculture, sa voix à la radio, le fait qu’elle ait eu du succès avec son premier roman écrit sur sa grand-mère. La publication de lettres d’insultes montre bien la jalousie et la bêtise parfois des gens.
Ces deux portraits de femmes sont touchants, les va et vient entre fiction et réalité, la description de ce monde cynique et cruel des médias, des luttes de pouvoir avec la fin de l’ORTF que je ne connaissais pas sont très intéressantes. Le monde de paillette et de gloire, de la télévision est aussi éphémère et l’ingratitude des gens du métier vis-à-vis de Denise est bien retranscrite. La présence de la mort, de la maladie dans les 2 vies, dans ces portraits de femmes qui se battent. Jeanne avance, fonctionne malgré ses problèmes de couple, la mort de son père et se cherche une identité, une reconnaissance à travers ses activités. Denise espère elle revenir pour un « dernier tour de piste » à la télévision après l’élection de Mitterrand.
Jeanne cherche à comprendre à travers le destin de Denise ce qui peut lui arriver, à se rassurer à conjurer le sort. En effet, elle a toujours tout eu facilement depuis son adolescence et elle pressent qu’un jour elle le paiera.
L’écriture est étonnante dans ce maelstrom d’émotions, cette valse entre réel et fiction, entre répétition, annonce de malheur, va et vient dans le passé. Comme dans un vieux disque rayé ou un documentaire dont la narration commence par la fin. Mais cette écriture originale, intime est terriblement efficace et prenante. On s’attache au personnage réel à cette femme totalement méconnue et à l’héroïne de fiction en se demandant jusqu’où ira l’identification. Ce qui est parfois frustrant c’est qu’on aimerait en savoir plus sur Denise Glaser notamment ou continuer de lire un peu plus longtemps pour savoir ce qui arrive à l’héroïne après la fin. Le roman a le mérite de faire sortir de l'ombre cette femme dont j'ai découvert le destin.
Un roman intéressant qui nous montre l’envers du décor des médias et la solitude, les tourments de femmes modernes qui résonnent comme une petite musique, un générique de fin à la fois douce et amère. Alors découvrez ce récit étonnant et passez derrière le miroir pour découvrir une femme célèbre.
PS : la 4e de couverture de ce roman m’avait intrigué comme au départ le style de l’auteur du coup je l’ai lu d’une traite, je vais donc aller découvrir ses autres romans.