01 juin 2008
Grace is gone
Voyage au bout du chagrin
Le conflit irakien n'en finit
plus de s'inviter sur les écrans de cinéma. Après "Dans la vallée
d'Elah" de Paul Haggis, "Redacted" de Brian de Palma, ou "Loups et
agneaux" de Robert Redford, voici "Grace is gone", premier long métrage
du scénariste James C. Strouse. Mais on ne trouvera ici ni combats
sanglants, ni pamphlet politique. Le réalisateur a préféré se
concentrer sur un autre sujet, terre à terre et moins traité: la
douleur des familles de soldats morts au "champ d'honneur". L'occasion
d'une oeuvre originale, âpre, réaliste, extrêmement soignée, portée par
un trio d'acteurs d'une impeccable sobriété.
John Cusack
incarne donc un patriote fervent ayant organisé sa vie autour de trois
valeurs fondamentales, le travail, la famille et la patrie. Sa femme
s'est d'ailleurs engagée dans l'armée pour combattre en Irak, ce qui
l'emplit de fierté. En attendant son retour, il élève leurs deux
fillettes avec la rigidité d'un pasteur mormon. Jusqu'au jour où des
militaires viennent sonner à sa porte pour lui faire part du décès de
son épouse. Incapable d'annoncer la nouvelle à ses enfants, il choisit
de les emmener dans leur parc d'attraction préféré, situé à l'autre
bout du pays.
Avec un tel sujet, il aurait été facile de tomber
dans le mélodrame larmoyant. Au lieu de cela, Strouse réussit un film
sans esbroufe, presque clinique. Au fil des rencontres avec un oncle,
un adolescent, l'absence de la mère se fait de plus en plus prégnante,
jusqu'à en devenir palpable à l'écran. Et c'est ainsi qu'apparaissent
les conséquences de cette disparition. Car chacun dans la famille doit
désormais se repositionner par rapport à la défunte. Le père jouer le
rôle de la mère, l'aînée occuper la place de la femme. Il y a là
quelque chose de l'ordre de l'indicible, et c'est ce qui rend ce film
extrêmement touchant.