Des combattants du Front Al-Nosra --la branche syrienne d'Al-Qaïda-- et des groupes rebelles islamistes ont pris samedi le contrôle total de cette ville située sur la route menant à la province de Lattaquié, le fief du président Bachar al-Assad, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
"Le Front Al-Nosra et des bataillons islamistes sont entrés dans Jisr al-Choughour ce matin, après de violents combats avec les forces du régime depuis jeudi. Ils ont pris le contrôle total de la ville et des combats ont lieu désormais au sud et à l'est de la ville", a précisé le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.
L'OSDH a dénombré au moins 60 cadavres des forces du régime à Jisr al-Choughour, qui se trouve dans la province d'Idleb (nord-ouest).
La coalition de combattants, qui se fait appeler l'Armée de la conquête, avait pris fin mars le chef-lieu éponyme de cette province, seconde capitale provinciale à échapper aux mains du régime, après Raqa (nord), devenue le fief du groupe jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie.
Une source militaire syrienne, citée par l'agence officielle Sana, a pour sa part indiqué que "des unités de l'armée se sont redéployées avec succès dans les alentours de Jisr al-Choughour pour éviter des pertes parmi la population civile".
"Nos forces frappent les rassemblements de terroristes et leurs routes de ravitaillement dans Jisr al-Choughour", ajoute l'armée. L'OSDH a fait état pour sa part d'une trentaine de raids aériens du régime dans et autour de Jisr al-Choughour après la prise de la ville.
"Au moins 10 personnes, civils et combattants, ont péri" et le bilan des raids pourrait s'accroître, a indiqué M. Abdel Rahmane.
L'ONG a aussi rapporté l'exécution d'au moins 23 prisonniers détenus dans la ville par des soldats battant en retraite, tandis qu'Al-Nosra a publié sur internet des photos de 14 corps maculés de sang, affirmant qu'ils s'agissait d'un massacre perpétré par le régime.
- Manifestations en 2011 -
Jisr al-Choughour, qui comptait quelque 45.000 habitants avant 2011, a une grande valeur stratégique car elle est tout près de la Turquie, pays favorable à la rébellion, mais aussi de Lattaquié, fief du régime sur la côte méditerranéenne.
"Cette ville est plus importante que celle d'Idleb, car elle est à proximité de la province de Lattaquié et de régions contrôlées par le régime dans la partie nord-est de la province de Hama", a expliqué M. Abdel Rahmane.
Désormais, le territoire contrôlé par le régime est quasiment entièrement encerclé par les jihadistes de l'EI et du Front Al-Nosra allié aux rebelles.
Selon un responsable politique à Damas, l'offensive contre Jisr al-Choughour a "été menée à la suite d'un accord entre l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie qui soutiennent sans réserve les jihadistes, pour que le régime arrive aux négociations de Genève avec un pied cassé et négocie en position de faiblesse".
Le médiateur de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a annoncé qu'il entamerait début mai des consultations séparées avec des représentants du régime, de l'opposition et de la société civile, ainsi qu'avec des acteurs régionaux.
La présence du régime dans la province d'Idleb se limite maintenant à la ville de Ariha (25km de Jisr al-Choughour) et Al-Mastoumé et Qarlmid, proche de Ariha, où se trouvent d'importantes casernes de l'armée. "Elles sont encerclées et la route empruntée par les renforts du régime à partir de la côte est coupée", a affirmé à l'AFP un militant, Khaled Dakhnoun.
Des photos sur un compte officiel Twitter d'Al-Nosra montrent des combattants en treillis circulant dans la ville, se reposant ou priant ainsi que des drapeaux du mouvement sur des immeubles et des véhicules.
Pour l'expert de la Syrie Charles Lister, cette victoire "permet à l'opposition d'ouvrir une route vers Lattaquié à partir d'Idleb et de Hama, ce qui peut favoriser grandement une future offensive sur Lattaquié et les fiefs du régime sur la côte comme Qardaha".
"Ceci ne doit pas être vu comme simplement une offensive sur Jisr al-Choughour, mais dans le cadre d'une stratégie beaucoup plus grande", souligne-t-il.
Jisr al-Choughour a connu au début du soulèvement contre Bachar al-Assad de très grandes manifestations, réprimées par la force.
Source : AFP