Je n’avais que peu de temps à Paris. Je me suis précipitée à La Maison Rouge voir « Fatum » (destin) de Jérôme Zonder. L’exposition s’achève le 10 mai. J’ai été très impressionnée.
C’est une exposition de dessins. Certes. Mais c’est bien plus que cela.
Jérôme Zonder a installé un extraordinaire cheminement pour le visiteur.
Puis, on entre dans une cabane (en fait, porte dessinée au mur) et on circule dans des pièces dont les meubles et tableaux sont (donc et encore!) dessinées sur les murs. Le labyrinthe dure, dure…On croit toujours qu’on est arrivé au bout… Mais on tourne, on tourne… Sans cesse… Au hasard de notre visite, on découvre portraits d’enfants, autoportraits, têtes d’insectes, scènes de tortures, jeux sadiques d’enfants, mains, sexe, pieds, descente aux enfers… Nombreuses sont les références au cinéma, aux violences réelles du monde (Shoa, génocides etc), à des artistes anciens (van der Weyden par exemple).
Cette progression à l’intérieur du monde de Zonder est assez troublante. Car on est en fait en immersion à la fois dans le dessin lui-même, dans la pensée de l’artiste, dans sa vie, dans son art…C’est vertigineux. L’oeuvre frise l’obsession, et on se noie dedans.
Le circuit se termine par un passage complètement obscur, juste après une salle de dessins réalisés à partir de photos prises dans un ghetto, ou depuis une chambre à gaz. J’avoue avoir hésité à m’engager seule dans ce couloir noir, couloir de la mort! La lueur, après le virage, est la bienvenue!
Zonder exploite le dessin jusqu’au bout du bout! Outils, matériaux, techniques, registres… Bic, mine de plomb, encre de Chine, fusain, doigt trempé dans la poudre graphite etc. Les papiers, supports de dessins, sont réutilisés et collés en guise de papier peint au mur, ou « mâchés » pour un bas-relief. La manière est enfantine, ou réaliste, ou fignolée etc. Le dessin ici est une matière vivante, un organe vivant, ou un corps vivant. L’artiste s’en nourrit, ne fait plus qu’un avec lui…ou se laisse dévorer par lui.
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