Je suis parti tôt ce matin pour cette dernière étape. D'abord un gros kilomètre en compagnie de Manu, le grand pèlerin autrichien, jusqu'au premier bar ouvert dans le village. Il ne sait pas, malgré son pas très sûr, si il va allait directement vers Saint-Jacques aujourd'hui. Il ne reste, par la variante conseillée par mon guide et à l'auberge, que 45 kilomètres. Mais le temps s'annonce mauvais.
Effectivement, lorsque je sors du café un peu plus tard, la pluie tombe. De petites routes de campagne, des pistes entre pins et eucalyptus, quelques hameaux, le décor de cette dernière matinée est très tranquille. Sous la pluie, je n'ai cependant qu'une envie : avancer vite. Je cours parfois, j'hate le pas. Malgré la fatigue, cette dernière journée sera sans doute la plus rapide de mon périple.
Mes jambes, mes épaules, me rappellent cependant parfois, à la faveur d'une cote par exemple, que 19 jours à ce rythme là, c'est tout de même beaucoup. Je ralentis parfois. Mais pas tant. De toutes façons, rien pour s'arrêter reprendre un café ou compléter mon petit déjeuner léger. J'avance donc, sur un chemin de traverse à peine balisé.
Puis soudain, à un croisement, des sacs à dos qui se promènent : je suis arrivé à la jonction avec le Camino Frances. 23 kilomètres pour finir, que je connais déjà.
Un "platos combinados" dans le premier restaurant qui se présente, et me voilà prêt pour terminer.
Bien sûr, même si c'est loin d'être la foule, il y a plus de monde sur le chemin (au fur et a mesure de l'après midi ça va se calmer). Cela ne m'avait guère gêne il y a trois ans, mais là je ne suis pas habitué ! Ça m'énerve presque !... Comme sur les courses tres populaires , on note que certains pèlerins semblent portaient un équipement peu adapté, certains aussi semblent totalement novices ou pas du tout entrainés à la marche, et se traînent vraiment. Ce qui ne se rencontre guère sur les sentiers moins empruntés et pourtant plus physiques. Enfin cette d'ours pèlerin est relative et je salue tout le monde...
Un pèlerin, qui marche en plus bien plus vite que les autres, parvient tout de même à m'enerver : il chante, et fort, sans doute reprenant les chansons diffusées dans son iPod, en marchant... Je finis par courir cinq minutes sous les beaux eucalyptus qui bordent le chemin pour me débarrasser de ce bruit de fond exaspérant, à défaut de mettre mes écouteurs pour écouter ma propre musique.
Saint-Jacques se rapproche. Je me souviens assez bien de ces derniers kilomètres, que j'ai donc emprunté il y a trois ans. Une discussion rapide avec un pèlerin espagnol qui s'inquiète de savoir si il y a bien un refuge à Monte d'El Gozzo, je lui confirme. Puis me voilà seul avec mes pensées, que je laisse dériver, au sommet de la colline en question.
Il y a trois ans, il faisait plus chaud, j'avais fait une petite pause à cet endroit, avant de descendre vers la ville. Quelles étaient mes pensées à ce moment-là ? ...Sans doute, comme aujourd'hui, la joie d'arriver mêlée à celle de la fin du voyage, mais le contexte était tout de même différent pour moi. C'était la fin sans l'être tout à fait, c'était un voyage presque initiatique, et j'étais parti dans des conditions d'esprit différentes.
Il s'en est tout de même passé des choses, dans ma vie depuis trois ans. Les "grands chemins" y ont pris une place importante, toujours en quête, toujours à l'oeuvre de mes pas et de ma recherche personnelle, toujours la même soif de liberté aussi et de grands espaces. Des découvertes, des rencontres, des déceptions aussi. Mes pensées se portent aussi un an plus tôt, lorsque j'arrivais aussi, par le sud, au pied de la grande cathédrale. J'étais également heureux après un beau voyage, sur la Via de la Plata et à travers une Espagne profonde et depaysante.
Ce beau camino del Norte fut sans doute plus serein. Les beaux événements de ma vie y ont très largement contribué. Si les soucis professionnels et les finances trop basses m'avaient laissé en paix, je crois que je n'aurai vraiment, malgré l'éloignement et les difficultés physiques, que de très bons souvenirs de ce chemin océanique.
Je suis tout de même heureux d'arriver encore une fois sur la place de la cathédrale de Santiago, au son de la musique celte. Il ne pleut plus. Mes pensées vont bien sûr, à ma famille, mes bons parents, mon frère à qui j'ai beaucoup pensé pendant ces journées de marche. A tous ceux qui m'ont suivi, et encouragé. J'aime partagé mes voyages et une part de mes émotions, et ces marques d'attention me touchent vraiment. Une pensée spéciale pour Malek, un ami qui m'a envoyé un touchant message ce matin et à qui je dédie cette dernière étape. Et enfin, bien sûr, j'ai plein de pensée pour celle qui enchante mon quotidien depuis quelques jolis mois...
Il est temps de redevenir un touriste pour flâner dans les rues de la vieille ville.