Sol pollué : le retard du dernier exploitant dans les travaux de dépollution peut être causé par l'action du nouveau propriétaire (Cour de cassation)

Publié le 25 avril 2015 par Arnaudgossement

Par arrêt du 9 avril 2015, la Cour de cassation

Les faits

Dans cette affaire, deux sociétés (propriétaire et exploitant) ont cédé un "ensemble immobilier" à une troisième société. Cette dernière a demandé aux deux premières de procéder à des travaux de dépollution du site.

La cour d'appel de Reims a condamné :

- d'une part, les deux sociétés à l'origine de la cession à procéder toutes les deux à des travaux de dépollution du site

- d'autre part, l'une des deux à compléter le dossier de cessation d'activité déposé auprès de la préfecture, comportant les mesures prises ou prévues pour dépolluer le site et évacuer les produits et déchets dangereux

Toutefois, le dernier exploitant n'a pu mener les travaux de dépollution dans le délai prescrit. Le nouveau propriétaire demande donc la liquidation de l'astreinte relative à l'exécution de ces travaux.

Le retard des travaux de dépollution justifié par une cause étrangère

Le retard du dernier exploitant dans l'exécution des travaux de dépollution peut être causé :

- d'une part par le délai de définition par l'administration des "recommandations" relatives à la réalisation des travaux de dépollution

- d'autre part, par l'action du nouveau propriétaire qui a "eu un comportement inadéquat en débutant en ses lieu et place les travaux d'évacuation de terres supposées polluées".

L'arrêt précise :

"Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la société St Christophe n'avait pu entamer les travaux faisant l'objet de l'injonction qu'après avoir eu connaissance des recommandations de l'administration qui ne lui avaient été délivrées que le 27 février 2009, après le dépôt d'un dossier complet de cessation d'activité et, d'autre part, que la société le Foyer Rémois avait eu un comportement inadéquat en débutant en ses lieu et place les travaux d'évacuation de terres supposées polluées, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, a retenu que ces faits cumulés, postérieurs à l'injonction fixée en référé, constituaient la cause étrangère, ainsi caractérisée par des éléments extérieurs, expliquant le retard dans l'exécution de l'injonction ;"

Cet arrêt, une fois de plus, démontre l'importance pour les nouveaux propriétaires d'informer et de solliciter l'autorité administrative compétente pour la gestion des sols pollués. Certes, le propriétaire peut agir directement contre le dernier exploitant et l'ancien propriétaire. Mais la jurisprudence démontre que cette action du nouveau propriétaire est soumise à de nombreuses conditions. et ne saurait remplacer tout à fait l'exercice par l'administration de ses pouvoirs de police.

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Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 9 avril 2015
N° de pourvoi: 14-15327 14-15350

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° Z 14-15.327 et Z 14-15.350 qui attaquent le même arrêt ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 14-15.350, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 11 février 2014), que la société civile immobilière Sierra (la société Sierra) et la société Groupe Saint Christophe (la société St Christophe), ayant cédé un ensemble immobilier à la société Le Foyer Rémois, ont été condamnées sous astreintes par un précédent arrêt d'une part, à procéder toutes les deux à des travaux de dépollution du site et d'autre part, la société St Christophe à compléter le dossier de cessation d'activité déposé auprès de la préfecture, comportant les mesures prises ou prévues pour dépolluer le site et évacuer les produits et déchets dangereux ; que la société Le Foyer Rémois a saisi un juge de l'exécution d'une demande de liquidation des astreintes ;
Attendu que la société le Foyer Rémois fait grief à l'arrêt, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait liquidé à la somme de 30 500 euros l'astreinte due au titre de l'ordonnance de référé du 17 décembre 2008 et condamné in solidum les sociétés St Christophe et Sierra à lui verser cette somme, de supprimer en totalité l'astreinte ayant assorti cette ordonnance et de dire, en conséquence, n'y avoir lieu à liquider ladite astreinte ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la société St Christophe n'avait pu entamer les travaux faisant l'objet de l'injonction qu'après avoir eu connaissance des recommandations de l'administration qui ne lui avaient été délivrées que le 27 février 2009, après le dépôt d'un dossier complet de cessation d'activité et, d'autre part, que la société le Foyer Rémois avait eu un comportement inadéquat en débutant en ses lieu et place les travaux d'évacuation de terres supposées polluées, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, a retenu que ces faits cumulés, postérieurs à l'injonction fixée en référé, constituaient la cause étrangère, ainsi caractérisée par des éléments extérieurs, expliquant le retard dans l'exécution de l'injonction ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen du pourvoi n° Z 14-15.350 et sur le moyen unique du pourvoi n° Z 14-15.327, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois n° Z 14-15.327 et Z 14-15.350 ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quinze.