Par arrêt du 17 avril 2015, le Conseil d'Etat a apporté de très importantes précisions sur la procédure de participation définie à l'article L.120-1 du code de public qui organise la participation du public sur le projets de décisions non individuelles ayant une incidence sur l'environnement.
Aux termes de cet arrêt, rendu le 17 avril 2015, le Conseil d'Etat juge que le document de présentation des motifs de la décision à venir, n'ont d'incidence sur la légalité de cette dernière.
Les faits. Dans cette affaire, des associations de défense de l'environnement ont demandé au Conseil d'Etat l'annulation du décret n° 2013-1301 du 27 décembre 2013 "modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, en tant qu'il modifie le classement de la rubrique n° 2102"
Ce décret avait pour objet principal de "simplifier" le régime d'autorisation des élevages. Ce décret a soumis au régime de l'enregistrement (autorisation simplifiée) les installations d'élevage de porcs en stabulation ou en plein air détenant 450 à 2 000 " animaux-équivalents ", qui relevaient précédemment du régime de l'autorisation (lourde).
L'arrêt retient notamment l'attention en ce qu'il apporte de très importantes précisions sur le régime de la procédure de participation du public définie à l'article L.120-1 du code de l'environnement.
La procédure de l'article L.120-1 du code de l'environnementL'arrêt procède tout d'abord au rappel des dispositons pertinantes de l'article L.120-1 du code de l'environnement. Avant toute adoption d'une décision non individuelle ayant une incidence sur l'environnement,
"7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du troisième alinéa du II de l'article L. 120-1 du code de l'environnement : " Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations du public ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. La synthèse des observations indique les observations du public dont il a été tenu compte. " ;"
Cette procédure de participation se caractérise principalement par le fait qu'elle soit organisée en ligne, sur le site internet du ministère de l'écologie. Elle s'achève par la mise en ligne d'une synthèse des observations du public et d'un document séparé présentant les motifs de la décision.
La portée juridique du document de présentation des motifs de la décision à venir.
"8. Considérant qu'il ne résulte pas de ces dispositions, qui exigent que l'autorité administrative, une fois la décision prise, porte à la connaissance du public, par voie électronique, les motifs de la décision et une synthèse des observations du public, que la décision elle-même doive être motivée ; que le moyen tiré de ce que le document rendant public les motifs de la décision ne permettrait ni de connaître les observations formulées dans le cadre de la procédure de participation ni de savoir dans quelle mesure elles ont été prises en compte est en tout état de cause sans incidence sur la légalité du décret attaqué ; qu'il ne peut, en conséquence, qu'être écarté ;"
Ainsi :
1. L'obligation pour l'administration de mettre en ligne un document de présentation des motifs de la décision à venir doit être distinguée de l'obligation de motivation de la décision elle-même
2. L'éventuelle insuffisance de ce document est sans incidence sur la légalité de la décision à laquelle il se rattache.
Il convient donc de distinguer deux catégories de motifs d'une décision administrative ayant une incidence sur l'environnement
- les motifs contenus dans le document séparé visé à l'article L.120-1 du code de l'environnement
- les motifs contenus dans le corps même de la décision lorsque celle-ci est soumise à obligation de motivation
Pour simplifier les motifs de la décision contenus dans un document séparé ne sont pas réellement les motifs de la décision. Cette distinction est assez discutable.
Si le souci du Conseil d'Etat de ne pas voir émerger un nouveau vice de procédure susceptible de causer l'annulation de décisions ayant une incidence sur l'environnement est sans doute légitime, on peut s'interroger sur le raisonnement retenu pour y parvenir.
Le législateur (loi du 27 décembre 2012) n'a en effet pas souhaité que cette obligation de motivation par document séparé constitue un nouveau motif d'annulation. Toutefois, il n'était à mon sens pas nécessaire de créer des catégories juridiques différentes de motifs de décisions. Il est délicat de nier que la loi du 27 décembre 2012 a créer une obligation nouvelle de motivation des décisions ayant une incidence sur l'environnement, peu importe qu'elle se traduise dans un document séparé : il s'agit toujours des motifs de la décision. Et il était également possible de juger que le législateur n'a pas entendu augmenter la liste des vices de procédure susceptibles de provoquer l'annulation d'une décision.
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Conseil d'État
N° 375961
ECLI:FR:CESSR:2015:375961.20150417
Inédit au recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
Mme Sophie Roussel, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
lecture du vendredi 17 avril 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par les associations Eau et rivières de Bretagne, dont le siège est 7, place du Champ au Roy à Guingamp (22200), France nature environnement, dont le siège est 57, rue Cuvier à Paris cedex 05 (75231) et France nature environnement-Pays de la Loire, dont le siège est 14, rue Lyonnaise à Angers (49100) ; les associations requérantes demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-1301 du 27 décembre 2013 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, en tant qu'il modifie le classement de la rubrique n° 2102 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à chacune d'elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-2 du code de l'environnement : " Les installations visées à l'article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat, pris sur le rapport du ministre chargé des installations classées, après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Ce décret soumet les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation. " ; qu'aux termes de l'article L. 512-7 du même code : " I.- Sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. / (...) / III. - Les prescriptions générales sont fixées par arrêté du ministre chargé des installations classées après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques et consultation des ministres intéressés. / La publication d'un arrêté de prescriptions générales est nécessaire à l'entrée en vigueur du classement d'une rubrique de la nomenclature dans le régime d'enregistrement. " ;
2. Considérant que le décret attaqué, pris sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, a notamment pour objet de soumettre au régime de l'enregistrement, sous la rubrique n° 2102 de la nomenclature des installations classées, les installations d'élevage de porcs en stabulation ou en plein air détenant 450 à 2 000 " animaux-équivalents ", qui relevaient précédemment du régime de l'autorisation ; que l'association Eau et rivières de Bretagne et autres en demandent, dans cette mesure, l'annulation pour excès de pouvoir ;
3. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 120-1 du code de l'environnement définit les modalités de participation du public aux décisions des autorités publiques, autres que les décisions individuelles, ayant une incidence sur l'environnement, au nombre desquelles figurent les actes réglementaires modifiant la nomenclature des installations classées ; qu'aux termes du septième alinéa du II de cet article : " Dans le cas où la consultation d'un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations du public lui est transmise préalablement à son avis. " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la procédure de participation du public s'est déroulée du 18 octobre au 15 novembre 2013 ; qu'une synthèse des observations du public a été transmise aux membres du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques la veille de sa séance du 19 novembre 2013 et, donc, préalablement à son avis ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'élaboration du décret aurait été irrégulière au motif que les membres du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques n'auraient pas été destinataires de cette synthèse préalablement à l'avis qui a été rendu manque en fait et doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que, pour l'application des dispositions de l'article L. 512-7 du code de l'environnement citées au point 1, le choix de l'autorité administrative de soumettre une catégorie d'installations au régime de l'enregistrement repose sur une analyse à priori des caractéristiques de ces installations et de leur impact potentiel sur l'environnement, ainsi que de la possibilité de prévenir, en principe, les dangers et inconvénients que ce type d'installations présente pour les intérêts protégés par l'article L. 511-1 par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées ; que, conformément aux mêmes dispositions, l'entrée en vigueur du classement d'une rubrique de la nomenclature dans le régime d'enregistrement est subordonnée à la publication de ces prescriptions générales ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques doit disposer de tous les éléments utiles pour se prononcer sur le bien-fondé du classement d'une catégorie d'installations dans le régime d'enregistrement, il peut être régulièrement consulté avant que ne soient arrêtées les prescriptions générales qui seront applicables à cette catégorie ; que, par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la consultation du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques sur le projet de décret modifiant la nomenclature aurait été irrégulière, faute de transmission à cet organisme du projet d'arrêté fixant les prescriptions générales ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du troisième alinéa du II de l'article L. 120-1 du code de l'environnement : " Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations du public ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. La synthèse des observations indique les observations du public dont il a été tenu compte. " ;
8. Considérant qu'il ne résulte pas de ces dispositions, qui exigent que l'autorité administrative, une fois la décision prise, porte à la connaissance du public, par voie électronique, les motifs de la décision et une synthèse des observations du public, que la décision elle-même doive être motivée ; que le moyen tiré de ce que le document rendant public les motifs de la décision ne permettrait ni de connaître les observations formulées dans le cadre de la procédure de participation ni de savoir dans quelle mesure elles ont été prises en compte est en tout état de cause sans incidence sur la légalité du décret attaqué ; qu'il ne peut, en conséquence, qu'être écarté ;
9. Considérant, en dernier lieu, que, eu égard aux conditions, rappelées au point 5 ci-dessus, qui sont susceptibles de justifier le classement d'une catégorie d'installations dans le régime d'enregistrement, les associations requérantes ne peuvent utilement soutenir, à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret attaqué, que l'arrêté du 27 décembre 2013 fixant les prescriptions générales applicables aux élevages mentionnés ci-dessus ne seraient pas suffisantes pour prévenir les dangers ou inconvénients que présentent ces installations, notamment en matière de rejet dans l'environnement de substances polluantes contenant du phosphore et de l'azote ; qu'elles ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des dangers ou inconvénients que peuvent présenter les installations en cause pour les intérêts protégés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et de la possibilité de les prévenir par des prescriptions générales ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret qu'elles attaquent ; que leur requête doit être rejetée, y compris les conclusions qu'elles présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Eau et rivières de Bretagne et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux associations Eau et rivières de Bretagne, France nature environnement et France nature environnement-Pays de la Loire, au Premier ministre et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.