La sélection de la semaine : Nora, Un homme de joie, Zioum tchabada tchou tchou, Tout l’art du Joker, La véritable histoire de Lara Canepa, Le paradis perdu, Senseï, Izunas, Bienvenue au club, Nynatak, Cédric et L’institut

Par Casedepart @_NicolasAlbert

Illustration Alex Ross – Tout l’art du Joker (Urban Comics)

Pour ce dernière samedi du mois d’avril, Case Départ vous propose sa belle sélection de la semaine. En vous ouvrant sa bibliothèque, le blog met en lumière de très bonnes bandes dessinées. Nous passons au crible, les albums suivants : Nora : l’excellent premier album de Léa Mazé, le premier volet de la saga historique et sociale : Un homme de joie, Zioum tchabada tchou tchou : un carnet de bord d’Otto T., une anthologie Urban Comics : Tout l’art du Joker, La véritable histoire de Lara Canepa : un très beau roman graphique publié par Cornélius, l’adaptation du poème épique de John Milton : Le paradis perdu, le premier volume de la saga Senseï, le dernier tome de Izunas, le sixième volume du manga Bienvenue au club, le premier tome de la série Nynatak de Valois & Gérardi, le vingt-neuvième recueil des aventures de Cédric et L’institut : un album pour adultes. Bonnes lectures

Nora

Les éditions de La Gouttière donnent leur chance à Léa Mazé pour la publication de sa première bande dessinée, Nora, un très beau roman graphique pour le jeune lectorat. Questionnement sur la vie, entraide, folie-douce… tout est réuni pour passer un excellent moment de lecture.
Résumé de l’éditeur :
Les parents de Nora déménagent. Pour ne pas leur mener la vie dure pendant cette période, la petite fille est confiée à son oncle Lucien, agriculteur. Nora n’est pas contente, elle boude. Mais finalement, la vie à la ferme commence à lui plaire. Elle crée son univers à l’intérieur d’un grand chêne qu’elle partage avec une chatte enceinte et observe une petite mamie assise seule, sur un banc. De là, Nora se pose des tas de questions. Qu’attend la vieille dame ? Pourquoi est-elle seule ? À travers ces interrogations, on assiste à l’évolution d’une enfant qui avance dans l’apprentissage de la vie.

Construit comme un conte initiatique, le récit de Léa Mazé est surprenant de maturité, elle qui ne publie que son premier album. En effet, le lecteur observe l’évolution de la jeune fille au fil des pages. Sa construction personnelle s’affirme et évolue au contact de cette mystérieuse voisine mais aussi de Lucien son oncle agriculteur.

Choisissant les années 70 comme décor, la jeune auteure s’ouvre un monde de liberté, où l’univers agricole existe encore, pas encore productiviste, proche de la terre et où l’entraide est une valeur essentielle. A cette époque, les parents laissaient facilement leur progéniture en vacances , un mois dans leur famille. Ici le couple voulant être libre de ses mouvements pendant leur déménagement confie Nora à un homme simple, cachant un secret mais ô combien humain. Surpris par le questionnement incessant de la petite fille sur les choses de la vie : la conception des enfants, la naissance (à travers la chatte mettant bas), la mort (avec la grand-mère ou les fantômes), la solitude ou la guerre. Parfois gêné, parfois sûr de lui, il est toujours sincère avec Nora. Sensible, Lucien est un protecteur avisé de la petite fille. Il y a beaucoup d’humanité dans cet homme, comme dans la personnalité de Nora, dont le but est de trouver un amoureux à la vieille dame qui est toujours si seule.

Mêlant à l’histoire, une belle part de fantastique, Léa Mazé livre ainsi une fable poétique et onirique, simple, touchante et d’une belle maîtrise narrative, le tout teinté d’un petit humour fin et sensible. Son héroïne passe d’une émotion à l’autre au fil de l’album : joie, tristesse ou colère. D’ailleurs, la jeune femme ne donne pas de leçon à son lectorat lorsque Nora éprouve ces sentiments.

Le trait de la jeune auteure est d’une grande douceur malgré les thématiques parfois sombres. Ses belles planches couleur sépia sont teintées de bleu lorsqu’elle évoque les gentils fantômes. Il faut reconnaître que Léa Mazé a fourni un travail remarquable sur la partie graphique de ce bel album. Cette bande dessinée aux jeunes lecteurs à partir de 8 ans sera un support idéal pour entamer un dialogue sur les différents de la vie. A lire avec plaisir !

  • Nora
  • Auteure : Léa Mazé
  • Editeur : La Gouttière
  • Prix : 16€
  • Sortie : 24 avril 2015

Un homme de joie

Telles les photographies célèbres de Lewis Wickes Hine mettant en scène des ouvriers-bâtisseurs de buildings, Régis Hautière et David François dévoilent le premier tome de leur nouvelle série Un homme de joie, publié par Casterman. Plongée dans l’effervescence de New-York au début du 20e siècle à travers l’histoire de Pavlo, un immigré qui travaille sur l’un de ces vastes chantiers à ciel ouvert.
Résumé de l’éditeur :
New York, début du XXe siècle, à l’heure de la construction des premiers gratte-ciel. Le nouveau monde. L’espoir pour de nombreux immigrants qui débarquent à Ellis Island, dernier rempart avant le rêve américain.Sacha, jeune émigré d’Europe de l’Est rejoint son cousin Pavlo avec l’espoir de réussir dans ce monde effervescent, mais c’est sans compter sur la femme de son cousin qui le trouvera vite encombrant… Il trouve refuge dans l’appartement qu’une vieille excentrique a légué à sa mort…à ses chiens. À la recherche d’un travail qui rime alors avec syndicat et mafia… la tâche s’avère complexe, voire sans espoir.C’est sans compter sur l’arrivée inopinée de Tonio…

Construit comme une fresque historique et sociale, le récit de Régis Hautière est fascinant. Il faut dire que sa thématique est originale et assez prenante : la construction de gratte-ciel. Seule, elle aurait pu être ennuyeuse mais il a réussi le pari de la rendre intéressante grâce à son incarnation à travers le personnage de Pavlo, immigré discret, travailleur et loyal de Kamianka, petite ville d’Ukraine. A cette époque (début du 20e siècle), beaucoup de migrants européens débarquaient à Ellis Island dans l’espoir d’une vie meilleure. Rejeté par la femme de son cousin, il se retrouve à la rue. Refugié dans une chambre de bonne, il débute un travail sur les cimes des buildings.

Il y a beaucoup de nuances dans cet album : entre l’optimisme de Pavlo, le bleu du ciel, la folie de Lafayette l’acrobate mais aussi la noirceur des conditions de travail, l’angoisse des missions proposées par la mafia ou la peur du vide ; les ingrédients sont nombreux pour tenir en haleine le lecteur.

La partie scénaristique est d’une grande justesse et agréable tout comme la partie graphique proposée par David François. Son dessin aux feutres est d’une très belle élégance, proposant des visages simples surmontés d’un trait unique. Les perspectives, les lignes de fuite sur les échafaudages sont vertigineuses. Pour impulser les mouvements, il intègre des frottements à son graphisme. Les belles courbes de ses personnages tranchent avec les lignes droites des poutres et poutrelles des buildings. Le tout est agrémenté de très belles couleurs.

Proposé en diptyque, Un homme de joie dévoile un premier excellent volume et l’on a hâte de lire le suivant, surtout s’il est de même facture.

  • Un homme de joie, tome 1/2 : La ville monstre
  • Scénariste : Régis Hautière
  • Dessinateur : David François
  • Editeur : Casterman
  • Prix : 13.95€
  • Sortie : 25 mars 2015

Zioum tchabada tchou tchou

Zioum Tchabada Tchou Tchou : quel drôle de titre pour ce nouvel album d’Otto T ! A la fois amusant et mystérieux, il suggérerait la mécanique du cerveau de l’auteur lors des ses nombreux questionnements (comme le montre la couverture). Construit comme un carnet de bord, il livre aux lecteurs ses réflexions sur quelques moments de sa vie quotidienne.

Résumé de l’éditeur :
Otto T. nous invite dans sa tête pour voir comment ça marche là-dedans. « Zioum », il déploie sa petite antenne para­bo­lique, « tcha­bada », il fait plein de connexions vache­ment intel­li­gentes, « tchou tchou », il se trans­forme en Goldo­rak.

Thomas Dupuis, alias Otto T. est un auteur de bande dessinée et l’un des fondateurs de FLBLB, maison d’édition localisée à Poitiers. Créateur avec Grégory Jarry de la formidable et singulière série La petite histoire des colonies françaises (5 titres disponibles, une intégrale parue en novembre 2014, ainsi qu’une nouveauté Petite histoire de la Révolution Française, ce mois-ci) ; il regroupe dans ce recueil la plupart des pages publiées sur les sites 100jours2012.org et grandpapier.org (plateforme dédiée aux créations dessinées, gérée par L’employé du moi).

Au gré de ses nombreuses questions, moments de doutes, nostalgie certaine, il a compilé cela dans des petits carnets pour en faire un recueil très drôle, amusant, surprenant et beaucoup plus complexe que son premier abord pourrait laisser penser. En effet, bon nombre d’entre-nous peut s’interroger sur les mêmes thématiques qu’il développe : la mort, l’amour, les relations de couple, la religion, la crise, le racisme, l’éducation, les progrès techniques, l’énergie nucléaire, les transports en commun ou le cinéma. Mais aussi sur son métier d’auteur, d’éditeur, de créateur, les festivals dont celui d’Angoulême ou les ateliers jeunesse qu’il organise. L’auteur poitevin parle aussi de son attachement et ses racines dans sa bonne ville de Poitiers.

Son graphisme d’un simple trait est d’une belle efficacité. Ses pages barrées d’une croix qui forme 4 grands cases permet d’unifier le recueil et d’imprimer un bon rythme.

  • Zioum tchabada tchou tchou
  • Auteur : Otto T.
  • Editeur : Flblb
  • Prix : 9€
  • Sortie : 16 avril 2015

Tout l’art du Joker

A force de le dire, on va finir par le croire : les éditions Urban Comics publient de formidables anthologies ! (Flash, Jack Kirby, Les super-vilains, Green Arrow-Green Lantern…). Elles dévoilent Tout l’art du Joker, un fantastique recueil sur le plus célèbre ennemi de Batman, signé Daniel Wallace.

Résumé de l’éditeur :
Cette rétrospective met à l’honneur l’un des plus grands vilains de tous les temps : le Joker. À travers les artistes qui l’ont dessiné, ceux qui ont raconté son histoire, mais aussi ceux qui ont endossé son costume (Jack Nicholson, Heath Ledger), ce beau-livre retrace l’histoire palpitante et sordide du plus grand psychopathe, terroriste et criminel que Gotham ait jamais connu.

Au sommaire de ce grand et merveilleux ouvrage, le lecteur parcourt l’histoire du Joker avec de grandes illustrations (entre autres des dessins exquis d’Alex Ross), des planches en version originale ou en français, des images issues de séries télévisées animées, une introduction de Mark Hamill (célèbre Luke Skywalker et voix officielle du Joker) et surtout des textes avec une foule d’anecdotes de Daniel Wallace :

– Les débuts : Le Joker intervient dès le premier numéro de la revue Batman. Couvertures de Detective comics, deux planches des origines de Batman (Real fact comics, 1946 – Finger & Robinson).

- Batman : un chapitre qui s’ouvre par une très belle illustration double-page de Dick Sprang intitulée Secret of the batcave. Le lecteur découvre les liens qui unissent le Chevalier Noir et l’Homme au rictus machiavélique (l’un ne va pas sans l’autre…). A noter aussi des dessins formidables de Tim Sale (visages qui se reflètent dans des verres de champagne) et celui de Brian Bolland (dessinateur de Killing Joke avec Alan Moore).

– L’asile d’Arkham : « Et le jour où ça deviendra vraiment trop dur, n’oublie pas… Il y aura toujours une place pour toi, ici. » (Arkham Asylum : a serious house on serious earth). Avec des dessins issus du jeu vidéo par Carlos d’Anda, le Joker libéré traduit en dessin par Lee Bermejo ou encore les collages de Dave McKean qu’il a proposé dans le formidable Arkham Asylum.

– Sac à malice : On découvre que le Joker aime jouer avec des accessoires nombreux, qu’il aime faire le clown mais que plus personne ne rit de ses pitreries. Un dessin de George Perez montrant le ballon de l’homme habillé en violet.
– Les complices : ce chapitre s’ouvre sur une illustration d’Axel Ross pour Justice volume 2 qui mêle tous les complices du Joker (repris en couverture de l‘Anthologie des Super-vilains).

– Crimes et délits : « Allez Robin… tu n’es pas déjà assommé, quand même ! C’est désobligeant ! La fête commence à peine ! ». Avec des images de la série télévisée Le Joker (janvier 1993). L’auteur souligne que le Joker est le criminel le plus outrancier de Gotham City.

– Miroir brisé : Le lecteur découvre que les origines du Joker seront tenues secrètes pendant une décennie et c’est seulement en 1950 que l’on apprend pour la première que le sourire démoniaque du Joker, il le doit à des produits chimiques. Avec des illustrations de Jim Lee et Brian Bolland.

- Amour fou : Harley Quinn (apparue en 1990) devient un personnage populaire à travers l’idylle qu’elle entretient avec le Joker. Des planches de Bruce Tim, des images des dessins animés Christmas with the Joker, The last laugh, Harley and Ivy ou du film d’animation Batman la relève : le retour du Joker (2000).

– Le clown prince : le lecteur découvre des images en noir et blanc tirées des séries télévisées populaires des années 60, du générique du film Batman (1966).

– Le sourire qui tue : le dessin vert et terrifiant de Lee Bermejo (reprise de la couverture de cet ouvrage). En ouverture, le Joker dit : « Petit, je suis le Joker. Je ne tue pas au hasard. Je tue quand c’est drôle ».

S’il ne doit en rester qu’un, il faut avoir dans sa bibliothèque cet ouvrage sur le Joker ! A lire, à regarder, à observer !

  • Tout l’art du Joker
  • Auteur : Daniel Wallace
  • Editeur : Urban Comics, collection Urban Books
  • Prix : 29€
  • Sortie : 10 avril 2015

La véritable histoire de Lara Canepa

En août 77, Elvis Presley disparaissait, laissant derrière lui une discographie impressionnante de Jailhouse rock à Love me tender, en passant par Blue suede shoes. Parmi ses tubes, figurait That’s someone you never forget, une chanson au cœur de l’étonnant roman graphique La véritable vie de Lara Canepa, une histoire signée Giacomo Nanni et publiée par les éditions Cornélius.

Chiara Paoli envoie un paquet à Lara Canepa, alors que celle-ci ne la connaît pas réellement. Dans ce mystérieux colis se trouve un 45 tours d’Elvis Presley : That’s someone you never forget. Tout cela 30 ans jour pour jour après le décès du King. Cet arrivée inopinée va bouleverser la vie paisible de la jeune femme et de sa famille : Concetto, son mari, Vernon l’aîné et Elisa la benjamine. Tout semble parfait, la famille semble heureuse. Banale dans sa structure, cette famille d’anti-héros ne l’est pourtant pas vraiment lorsque l’on creuse leurs relations. Les non-dits et les silences sont pesants, créant un vrai malaise dans leur communication. De plus, de lourds secrets sont enfouis au plus profond d’eux, tout cela va remonter à la surface et c’est surtout cela qui fait tout le charme de ce très beau roman graphique.

Giacoma Nanni est dans cet album assez espiègle ; il déroute son lectorat par les chemins de traverse qu’il emprunte : son récit mélancolique n’est pas linéaire, il navigue entre la réalité, le fantasme et l’onirisme. La seconde partie de l’histoire glisse magistralement vers un univers à la limite du surréalisme. L’auteur italien possède un vrai sens de la narration qui lui permet d’entremêler habilement la passé, le présent mais aussi le temps qui passe, l’usure du couple et la monotonie.

Le trait de Giacomo Nanni fait de légères hachures et de tramages permet d’installer cette atmosphère entre lenteur, vie monotone et émerveillement. Ses personnages qui possèdent des têtes très rondes et de grands yeux ressemblent à ceux de mangas japonais. Une vraie réussite !

  • La véritable histoire de Lara Canepa
  • Auteur : Giacomo Nanni
  • Editeur : Cornélius, collection Raoul
  • Prix : 18.50€
  • Sortie : janvier 2015

 Le paradis perdu

Les éditions Actes Sud – L’an 2 proposent l’adaptation du poème épique de John Milton, Le paradis perdu et mis en image de Pablo Auladell. Dans ce sublime roman graphique, l’auteur livre sa vision de la tentation d’Adam et Eve et leur fuite du jardin d’Eden.
Résumé de l’éditeur :
Le dessinateur espagnol Pablo Auladell livre la première adaptation en BD du célèbre poème épique de Milton évoquant la tentation d’Adam et Eve par Satan puis leur expulsion du jardin d’Eden. Une vision spectaculaire et puissante, des images de toute beauté.

En 1667, John Milton écrit Le paradis perdu, un poème épique en vers non rimé, qui fut traduit par Chateaubriand, lors de son exil en Angleterre. Il existe une version illustrée par Gustave Doré mais c’est la première fois que le texte est proposé en déclinaison bande dessinée.

Lucifer vient d’être vaincu par les armées divines. Son armée s’apprête à lancer une attaque contre le Ciel lorsque l’Ange Déchu attend parler d’une nouvelle prophétie : une nouvelle espèce doit être formée par le ciel. Il décide alors de partir seul en expédition, quitte les Enfers et se rend au Jardin d’Eden où il découvre Adam et Eve. C’est le début du plan machiavélique de Lucifer pour faire chuter Dieu par l’entremise du premier couple d’êtres humains.

Voilà le point de départ de cet imposant ouvrage, une histoire bien connue des chrétiens, notamment la scène de la tentation du serpent et de la pomme. Pour conter au mieux ce récit, Pablo Auladell choisit de diviser son histoire en quatre chapitres : «Satan», «Un Jardin de délices», «Les premiers souvenirs du monde» et «L’épée flamboyante». Ce projet ambitieux et très abouti est le fruit de 4 années de travail et fut publié pour la première fois en Espagne par Minos Digital. En effet, la première partie, Satan fut publiée par cette maison d’édition numérique ; le projet fut abandonné pendant 2 ans puis fut repris et la version papier achevée est celle que les éditions Actes Sud – L’an2 proposent. Il a donc fallu que l’auteur espagnol effectue quelques retouches pour garder de la cohérence en ce qui concerne les personnages ; son trait ayant évolué entre les premières cases et la fin de son ouvrage.

A travers les 300 pages, le lecteur peut donc contempler, admiratif, cette magnifique fresque fantastique, notamment par une partie graphique somptueuse. Le trait charbonneux en noir et blanc de Pablo Auladell envoûte et fascine. Il faut dire que l’auteur de La tour blanche (Actes Sud L’an 2, 2010) propose de grandes cases (2-3 par pages) alternées à des pages en gaufrier (6 vignettes maximum), ce qui renforce cet impression de grandeur ou de luttes divines féroces. L’élégance de son dessin lui permet de former un album d’une grande beauté.

  • Le paradis perdu
  • Auteur : Pablo Aulladell, d’après John Milton
  • Editeur : Actes Sud – L’an 2
  • Prix : 34.90€
  • Sortie : 22 avril 2015

Senseï

Jean-François Di Giorgio et Vax plongent le lecteur dans la Chine médiévale entre ronin, guerres civiles, complots et pouvoir corrompu dans le premier volet de Senseï, L’école des loups solitaires, publié par Soleil.

Résumé de l’éditeur :
Dans un pays sombrant dans le chaos des guerres civiles, l’enquêteur Nanguang est chargé par le ministre de pourchasser de mystérieux assassins prenant pour cibles d’innocentes jeunes filles. Kang Jie entretient une relation secrète avec Nuo, la fille d’un des maîtres de la région. Un soir, ils sont les témoins de l’assassinat de l’inspecteur Nanguang. Ils sont sauvés de justesse par Yukio, une Rônin japonaise, maîtrisant l’art du sabre, mais hantée par un passé douloureux…
Traqués par des tueurs insaisissables,Yukio et ses deux compagnons devront éviter de tomber dans des pièges aussi nombreux que brutaux et affronter l’essence même du mystère. Ils auront fort à faire pour mettre en lumière un secret plus terrifiant encore que tout ce qu’ils auraient pu imaginer…

De suite, le lecteur est plongé dans l’histoire puisqu’elle s’ouvre par deux pages d’action où l’on découvre déjà une défunte. En choisissant cette entrée en matière, Jean-François Di Giorgio veut plaire tout de suite à son lectorat et l’accrocher. Le décor de la Chine médiévale, faite de clans, shoguns, nobunagas et samouraïs est idéale pour imaginer un récit où le pouvoir politique, les complots et les combats s’entremêlent.

Pourtant, on découvre vite que Zhang et ses hommes vont jouer au chat et à la souris avec les deux héros malchanceux, Kang Jie et Nuo. Témoins de l’assassinat odieux de Nanguang, qui enquêtait sur des meurtres de femmes, ils vont se retrouver au cœur d’une intrigue qui va les dépasser. Aidés par Yukio, ronin au passé mystérieux, ils fuient au plus vite leurs poursuivants.

De trame très (trop?) classique, l’histoire est pourtant rythmée par des rebondissements qui interviennent fréquemment au fil de l’album. Assez plaisant, le récit est bien mis en valeur par le trait semi-réaliste de Vax. Les personnages sont agréables à l’œil et les scènes de combats parfaitement restitués grâce à un beau sens du mouvement. Son découpage imprime un rythme élevé comme le souhaite son scénariste. La partie graphique est donc la bonne surprise de cet album.

  • Senseï, tome 1 : L’école des loups solitaires
  • Scénariste : Jean-François Di Giorgio
  •  Dessinateur : Vax
  • Editeur : Soleil, collection Avenuture
  • Prix : 14.50€
  • Sortie : 22 avril 2015

Izunas

Yamibushi le second tome de la série Izunas, le nouveau cycle de l’univers de La légende des nuées écarlates. Scénarisé par Saverio Tenuta et Bruno Letizia et mis en image par Carita Lupattelli, l’histoire met en scène un univers fantastique entre arbre sacré, naggos, loups et armées démoniaques.

Résumé de l’éditeur :
Depuis qu’une erreur de la jeune Aki a conduit à la destruction de l’Arbre sacré, le fragile voile qui séparait le monde des esprits du monde des hommes n’est plus. Le général Kuroga a profité de cette rupture pour conclure une alliance avec les Naggos, esprits maléfiques. Tapi dans sa forteresse, il utilise leurs pouvoirs pour se constituer une armée démoniaque, les Yamibushis. Face à cette menace, hommes et Izunas doivent œuvrer main dans la main pour sauver les deux mondes…

Le récit de Saverio Tenuta et Bruno Letizia est des plus intéressants, accrocheur et agréable à lire, fondé sur les contes et légendes japonaises, ainsi que le Japon médiéval. Superstitions et créateurs fabuleuses se côtoient habilement grâce à ce bon duo de scénaristes. Si parfois, notamment dans le premier tome, il était difficile de suivre le fil conducteur de l’histoire, ce second tome est plus facile d’accès. La bataille finale s’annonce et la tension est à son comble : les deux camps se préparent, se font face pour s’affronter.

Du côté du graphisme, c’est toujours aussi bon et beau, agréable à l’œil. Carita Lupattelli, qui travailla avec Saverio Tenuta dans son studio de dessin, est à la hauteur de la tache. Son trait d’une très grande élégance est d’une très grande précision. Malgré des expressions de visages parfois un peu figés, l’ensemble est extrêmement réussi.

  • La légende des nuées écarlates, cycle 2 Izunas, tome 2/2 : Yamibushi
  • Scénaristes : Saverio Tanuta et Bruno Letizia
  •  Dessinatrice : Carita Lupattelli
  • Editeur : Les Humanoïdes Associés
  • Prix : 13.95€
  • Sortie : 14 avril 2015

Bienvenue au club #6

Après l’excellent Double je, les éditions Akata dévoilent le sixième volume de Bienvenue au club, un très bon shojô de type comédie romantique sur fond de clubs de lycéens et signé Nikki Asada. Belle surprise !
Résumé de l’éditeur :
Seri Hinomisaki, adolescent déluré et adorant colporter les ragots, souhaite intégrer le club d’étude de la psychologie des jeunes. Mais ni Yoriko, ni Nima, ne sont prêtes à accepter un tel énergumène dans leurs rangs. Surtout que ce dernier semble, en réalité, avoir des vues sur Nima. Ce qui, d’ailleurs, lui cause quelques problèmes avec ses ainées, jalouses de l’attention que lui porte Seri. Heureusement, Kana veille…

Prépublié par Gekkan Princess et édité par Akita Shoten au Japon, Bienvenue au club est passionnant et formidable. Sous ses faux airs de shojo classique et inintéressant, se cache un manga surprenant. En effet, il ne faut pas s’attendre à une mauvaise comédie romantique dans l’univers du lycée mais à un manga extrêmement réussi et diablement efficace.

Le récit de Nikki Asada d’une belle simplicité n’a juste que la prétention de donner du plaisir à son lectorat et le but est amplement atteint. C’est rafraîchissant, agréable et d’un très grand humour. Succès éditorial au Japon et en France, le manga met en scène les aventures rocambolesques et amusantes du Club d’étude de la psychologie des jeunes. Le grand point fort de la série réside dans la très belle galerie de portraits, notamment avec des personnages différents et attachants.

A lire !

  • Bienvenue au club, volume 6
  • Auteure : Nikki Asada
  • Editeur : Akata
  • Prix : 6.95€
  • Sortie : 09 avril 2015

Nynatak

Les éditions Bande à part dévoilent le premier volet de leur nouvelle série Nynatak, scénarisée par Stéphanie Gérardi et mise en image par Eric Valois. Ce récit d’anticipation met en scène une équipe de chercheurs basée en Antarctique, subissant une avarie et lui échappant.
Résumé de l’éditeur :
En 2022, un astéroïde frappe la planète terre, provoquant des cataclysmes terribles et une hécatombe dans la population humaine… Une équipe de chercheurs, basée en antarctique, échappe miraculeusement à la catastrophe… Mais tandis que pour les scientifiques prisonniers d’un mystérieux champ magnétique à peine neuf mois se sont écoulés…
En réalité, le monde extérieur aura vieilli de 250 ans…

Le récit de Stéphanie Gérardi est construit comme un très bon thriller fantastique et d’anticipation. Même si les ressorts de l’intrigue sont classiques, le lecteur passe néanmoins un bon moment en la compagnie des personnages de Nynatak. Le duo d’auteurs canadiens (compagnons à la ville) compose une histoire entre grands espaces et confinement et c’est ce qui permet d’installer des moments d’angoisse et de tensions. Ajouter à cela des personnages à la personnalité complexe, qui peuvent s’entraider (contre le fameux loup sanguinaire) comme se mettre quelques bâtons dans les roues.

Le trait semi-réaliste d’Eric Valois est simple et d’une belle efficacité, dans la veine des bandes dessinées créées dans Fluide Glacial.

Les éditions Bande à part est une jeune structure belge puisqu’elle fut créée en 2013 par David Canion, un auteur et dessinateur, qui souhaitait passer de l’auto-édition à une vraie maison d’édition. Nynatak est son troisième projet, après Les poêleurs (Canion & Catry) et Lily et Crock le monstre (Faz).

  • Nynatak, tome 1
  • Scénariste : Stéphanie Gérardi
  •  Dessinateur : Eric Valois
  • Editeur : Bande à part
  • Prix : 14€
  • Sortie : mars 2015

Et pour quelques pages de plus…

Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :

Cédric, tome 29

Un look d’enfer est le vingt-neuvième recueil des aventures de Cédric, la célèbre série de Raoul Cauvin et Laudec et publiée par les éditions Dupuis.
Résumé de l’éditeur :
Attention les yeux, Cédric a décidé de changer de look, et il faut dire que là, il fait fort ! Mais quelle mouche a bien pu le piquer ? Pas sûr que Chen soit vraiment éblouie par le changement… et on ne parle pas des parents ! Mais une chose est certaine, Cédric ne va plus trop passer inaperçu. Un concentré de fantaisie, de drôlerie et de tendresse, pour toute la famille.

Publié pour la première fois en décembre 1986 dans la revue Spirou, Cédric est l’une des séries phare du catalogue Dupuis. Le lecteur connaît parfaitement l’espiègle petit garçon de 8 ans, qui fêtera ses 30 ans l’année prochaine. Raoul Cauvin, scénariste prolifique vedette de la maison d’édition lui fait vivre des aventures humoristiques depuis la première heure et a construit autour de lui des personnages haut-en-couleurs : Robert Dupont, le papa vendeur de tapis (carpettes comme dirait le grand-père) ; Rose, la maman, femme au foyer ; Jules, le papi qui ne s’entend pas avec le père mais vrai confident de Cédric, toujours prêts à faire ensemble les pires bêtises. Mais, il y a surtout Chen, dont le petit garçon est amoureux (ce n’est pas réciproque) et d’un jaloux quand les autres lui tournent autour (comme ici, Nicolas adepte du golf) ou encore Christian, son meilleur ami.

Les gags en une ou plusieurs planches font donc le bonheur des jeunes lecteurs, très attachés à ce personnage, amusant, gaffeur et râleur. Déclinée en série télévisée (diffusée en 2001 sur France 3), en jeux vidéo, en romans de La bibliothèque rose et toutes sortes de goodies (sac, trousse, cahier…), Cédric est un petit phénomène dans le monde de l’édition jeunesse.

Si la série à moins de force qu’à ses débuts (très novatrice à l’époque), elle plait toujours autant aux lecteurs, jeunes ou moins jeunes, par ses aspects simples, ses thématiques plutôt actuelles, sans aucune méchanceté : en somme des albums feel good bienvenus. A lire, relire, à se prêter, à s’échanger pour passer un très bon moment de lecture-plaisir.

  • Cédric, tome 29 : Un look d’enfer !
  • Scénariste : Raoul Cauvin
  •  Dessinateur : Laudec
  • Editeur : Dupuis
  • Prix : 10.60€
  • Sortie : 03 avril 2015

 L’institut

(album pour adultes)

L’institut est un opus de la série pour adultes Les aventures sexuelles de Lilian et Agathe, signé Francisco Solano Lopez et Ricardo Barreiro et édité par Dynamite.

Résumé de l’éditeur :
Quand deux maîtres de la bande dessinée argentine s’associent pour produire une histoire érotique, ils envisagent un univers déjanté où leurs héroïnes – et les femmes de façon générale – sont humiliées, maltraitées, considérées pire que des bêtes.
À l’instar de Lilian et Agathe, pour s’en sortir, il faut disposer de pouvoirs spéciaux, d’une force mentale exceptionnelle, voire surnaturelle… Dans ce premier épisode de leurs aventures, Lilian rencontre Agathe en 1881 dans un établissement anglais destiné à éduquer leurs pouvoirs en germe. Le dressage est rude et la directrice d’un féminisme totalitaire. À l’intérieur de ce lieu strict et sinistre, l’apprentissage des choses du sexe s’avère brutal. Incandescent. Pas question ici d’amour à l’eau de rose. Seulement des violences entre filles. Du saphisme contraint. Des rêves où les hommes sont des rustres en rut. Et d’une réalité qui dévoile un monstre dégénéré, reproducteur de la caste… en somme, l’horreur.


Cet album des Aventures sexuelles de Lilian et Agathe est une réédition. En effet, la série fut publiée pour la première fois à la fin des années 80 par les deux auteurs argentins Barreiro-Solano Lopez, ayant fui la dictature de Pinochet. Petite évocation lucide, de la condition des femmes au travers des âges, L’institut se déroule à la fin du 19e siècle à Londres. Endoctrinement, féminisme, religion et sexe sont mis en lumière par le scénariste Ricardo Barreiro. Lilian et Agathe subissent les pires humiliations et sévices mais ne perdent pas pour autant leur virginité, ce qui est une drôle de gageur. Il faut dire que la sœur de Lilian sait manier le fouet et que lorsqu’elle est acceptée à L’institut, sa vie va basculer et devenir une femme. La directrice est une féministe jusqu’au bout des ongles.

Le point fort de l’album est la partie graphique. Pour une fois, le trait réaliste en noir et blanc de Francisco Solano Lopez est d’une belle qualité, contrairement à ce que l’on peut lire actuellement en ce qui concerne les albums pour adultes. Dans la veine des auteurs des années 80, il propose de fines hachures pour évoquer les ombres et les vêtements. Le découpage est lui aussi d’une belle qualité. Il faut dire que l’auteur argentin a aussi dessiné des histoires plus traditionnelles (Science-fiction : L’éternaute) et cela s’en ressent dans ce récit.

  • Les aventures sexuelles de Lilian et Agathe : L’institut
  • Scénariste : Ricardo Barreiro
  •  Dessinateur : Francisco Solano Lopez
  • Editeur : Dynamite
  • Prix : 12.50€
  • Sortie : 16 avril 2015