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GÉNOME: Tentative d'édition sur 86 embryons humains – Protein and Cell

Publié le 24 avril 2015 par Santelog @santelog

Ce document de chercheurs chinois -publié dans la revue Protein and Cell- qui testent une technologie d’édition du génome sur quelque 80 embryons humains –certes non viables- lance un vaste débat sur la recherche sur l’embryon et ses implications cliniques et éthiques. Car si la performance de nouvelles plateformes permettant de modifier l’ADN des cellules va pouvoir ouvrir de grandes voies thérapeutiques, lorsqu’appliquées à la lignée germinale humaine (gamètes ou embryons), ces technologies posent bien évidemment quelques questions. Celles des limites et, pour le coup, du caractère héréditaire des modifications génétiques apportées et de l’imprévisibilité des effets sur les générations futures. La pente est glissante, résume un expert, et la communauté médicale freine déjà des quatre fers.

GÉNOME: Tentative d'édition sur 86 embryons humains  – Protein and Cell
Les technologies utilisées pour introduire des changements dans la séquence d’ADN des cellules progressent rapidement et rendent  » l’édition  » du génome de plus en plus simple. On citera la nouvelle technologie d’édition de gènes, nommée CRISPR Cas (CRISP pour Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats). La technologie permet concrètement de modifier précisément certains gènes, en fonction d’objectifs cliniques. Elle consiste à injecter l’enzyme CRISPR Cas9, qui va se lier à l’ADN à des endroits précis de façon à cibler un gène problématique, qui est ensuite remplacé ou réparé par une autre molécule introduite au même moment.

Le système a déjà été bien étudié sur les cellules adultes humaines et sur les embryons d’animaux.

Il peut être appliqué à des cellules somatiques, comme les cellules sanguines, pour bloquer un mécanisme infectieux par exemple, comme dans le cas de l’infection à VIH. Ou bien chez des embryons précoces ou des gamètes (sperme ou ovules) qui transmettent le patrimoine génétique à la descendance. Si des essais portant sur la lignée germinale ont donc déjà été menés sur de nombreux organismes, y compris l’animal, une équipe chinoise décrit aujourd’hui ses recherches menées sur l’embryon humain.

La recherche chinoise : Dans un article publié le 18 avril dernier dans la revue Protein & Cell (1), les scientifiques chinois de l’Université de Canton, décrivent leurs travaux menés sur 86 embryons issus de FIV, non viables et non retenus dans les projets parentaux. Leur objectif, pouvoir  » réparer « , grâce à la fameuse technologie CRISP, une anomalie génétique responsable d’une pathologie rare, la bêta-thalassémie. Il s’agit précisément de modifier le gène appelé HBB, qui code pour la protéine β-globine humaine. Mais, à l’issue de la recherche, 71 embryons ont finalement survécu et 54 ont été testés génétiquement. L’analyse révèle que chez seulement 28 d’entre eux une fraction (seulement) du matériel génétique a été réparé. L’essai n’est pas transformé, puisqu’il aboutit à une réparation incomplète de l’ADN chez une partie seulement des embryons et conduit à  » des mutations indésirables « . Les chercheurs concluent alors sur la nécessité d’améliorer encore la fidélité et la spécificité de la plateformeCRISPR /Cas9.

Une pente glissante et non éthique : Deux journalistes scientifiques de la revue Nature réagissent (3) à cette  » Première  » chinoise, s’appuyant sur les réactions d’éminents biologistes, tel que le Dr George Daley, un biologiste de Harvard spécialisé dans les cellules souches. Ce dernier qualifie la tentative chinoise  » d’avertissement sévère à tout praticien qui pense que la technologie est au point pour tenter d’éradiquer les gènes de la maladie « .

Car si certains experts voient un avenir prometteur pour l’édition de gènes chez les embryons humains, toujours dans l’objectif de pouvoir éradiquer des maladies génétiques dévastatrices, d’autres estiment que la limite éthique est franchie. Un précédent article (4), publié dans la même revue met en avant le caractère héréditaire de ces modifications de la lignée germinale et l’imprévisibilité des effets sur les futures générations. Les auteurs expriment leur crainte d’une pente glissante vers des utilisations dangereuses ou contraires à l’éthique.

La sonnette d’alarme a également été tirée dans la revue Science (5), sur l’utilisation  » facile  » et à la portée de  » n’importe qui ayant une formation de biologie moléculaire de base  » de ces nouvelles techniques d’édition du génome. A l’époque, l’article parle encore de  » rumeurs  » d’utilisation de la plateforme CRISPR par des scientifiques chinois sur des embryons humains. Des groupes de scientifiques recommandent que la communauté scientifique prenne des mesures pour une utilisation sécuritaire et éthique de la technologie. Ni Science, ni Nature accepteront de publier ces travaux.

Le mot de la fin revient aux experts de l’International Society for Stem Cell Research (ISSCR) (2) qui ont, eux-aussi violemment réagi à la publication de la recherche chinoise. L’ISSCR appelle aujourd’hui à un moratoire sur les tentatives de modification du génome de la lignée germinale humaine, à une large analyse scientifique des risques possibles, et enfin à un débat public sur les implications sociales et éthiques.  » Il est trop tôt pour appliquer ces technologies à la lignée germinale humaine « , écrit son Président,  » et toute recherche impliquant l’utilisation d’embryons humains et les cellules reproductrices doit être entreprise avec précaution et conformément aux strictes orientations éthiques« .

 

Un débat sur la modification de l’embryon humain qui pourrait se développer compte tenu des enjeux éthiques et cliniques et, de la facilité d’utilisation de la plateforme CRISPR. C’est non sans rappeler un autre débat sur la conservation de  » vieux  » virus ou le développement de supervirus en laboratoire.

Sources:

1.   Protein and Cell 18 April, 2015 DOI10.1007/s13238-015-0153-5 CRISPR/Cas9-mediated gene editing in human tripronuclear zygotes

2.   International Society for Stem Cell Research ISSCR statement on human germline genome modification

3.   Nature 22 April 2015doi:10.1038/nature.2015.17378 Chinese scientists genetically modify human embryos (Visuel@Nature@ Dr. Yorgos Nikas/SPL)

4.   Nature 12 March 2015 doi:10.1038/519410a Don’t edit the human germ line

5.   Science 20 March 2015 DOI: 10.1126/science.347.6228.1301 Embryo engineering alarm


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