Pourquoi encore si peu de projets associant mode et wearable ? Certains avancent des raisons technologiques quand d’autres pointent les retards d’un secteur dans son ensemble.
Dans une récente enquête auprès des consommateurs américains, le cabinet de conseil NPD Group montrait que 56 % des femmes interrogés et 50 % des hommes croyaient que les wearables étaient l’avenir de la technologie. Mais la plupart des sondés soulignaient également un autre aspect : ils n’étaient pas prêts à changer leur style vestimentaire pour s’adapter aux appareils portatifs souvent lourds et pas toujours attrayants.
Les wearables semblent donc devoir évoluer en fonction de la mode. L’attente pour une synergie mode/technologie est immense mais les obstacles sont nombreux. Mais si les projets existent pour intégrer les wearables dans la mode : Intel et sa « robe araignée », la maison de couture anglaise CuteCircuit et sa « Twitter dress », la start-up australienne Utope et son t-shirt intelligent, luminescent… Peu parviennent toutefois à la commercialisation.
Intel et le styliste Anouk Wipprecht créent la robe araignée avec capteurs et bras robotiques.
Des barrières technologiques
Les premières embûches sur le chemin de l’association entre mode et wearable tiennent aux avancées technologiques. Les exigences des stylistes et des consommateurs peuvent freiner la mise en place de certaines solutions. En effet, un vêtement doit pouvoir passer sous l’eau, être lavé à haute température, et – bien évidemment – ne pas risquer d’électrocuter son porteur. Autant de propriétés que n’ont pas toujours les objets connectés. D’autant que ces appareils nécessitent une batterie, difficile à intégrer à un vêtement. Même si elles font des progrès ces batteries ont encore du mal à être légères, flexibles et lavables pour un prix accessible.
Pour certains la solution passe par un dispositif discret qui peut s’enlever et se recoller à volonté : c’est l’idée du petit bouton connecté d’Intel baptisé Curie. D’autres, comme la jeune entreprise Dephotex, envisagent le photovoltaïque textile pour pallier le problème des batteries.
Pour le reste, la recherche apparaît un peu paralysée dans le domaine selon Bradley Quinn. Ce spécialiste des nouvelles technologies dans la mode soulignait au site canadien The Globe and Mail un point important : la recherche sur les nanotechnologies, nécessaire aux progrès des wearables, est en grande partie financée par l’industrie aérospatiale et médicale. La mode passe donc au second plan.
Un secteur qui peine à innover ?
Si l’on fait le tour des innovations associant wearable et mode, le constat est clair : les produits proposés correspondent à un marché de niche. Le Wealthy project visait ainsi les personnes atteintes de maladies cardiaques, la « Twitter dress » ciblent quant à elle clairement des consommateurs aisés ou l'animation d'événements ponctuels. À chaque fois, les initiatives ne sont pas dans le marché de masse du prêt-à-porter. Est-ce-à dire que le secteur de la mode a peur de se lancer pleinement dans l’innovation ? C’est en tout cas ce que suggère un rapport de la Swedish School of Textiles. Selon son auteure, Lena Berglin, il y aurait un gouffre entre les efforts réels mis dans la recherche sur les nouvelles technologies dans la mode et le désir de commercialisation. Les efforts sont mis dans des solutions de niche ou pour des événements ponctuels mais les entreprises et maisons de couture auraient peur de s’engager dans la voie de vêtements connectés de masse.
En revanche s’il est un secteur qui porte les avancées c’est bien la santé et le bien-être. Le rapport de Lena Berglin le souligne clairement : les applications médicales et sportives sont largement majoritaires parmi tous les projets que la chercheuse a inventoriés dans son étude. L’innovation dans la mode passerait-elle donc obligatoirement par le fitness et la santé ?