Quand ça chauffe entre gouvernement et citoyens, au sein des institutions les mots sont mis à contribution. Ils passent en première ligne pour faire le spectacle. Les flambées sociales mettent les mots sur le grill. Les réformes annoncées incitent à puiser dans le grand réservoir des mots pour faire entendre le bruit du mécontentement.
Témoin l’attitude prêtée à Jean-Marc Ayrault à propos de la réforme des collèges. L’ancien premier ministre s'est adressé à Najat Vallaud-Belkacem pour lui faire part de ses inquiétudes quant au devenir de l’enseignement de l’allemand. L'ex-Premier ministre, lui-même ancien professeur d'allemand, est monté au créneau contre la réforme des collèges et son impact certain vis-à-vis de l’enseignement des langues. Jean-Marc Ayrault « est vent debout contre la réforme des collèges », annonce le site francetvinfo.fr (20 avril 2015). Séduisante, la formule claque au vent. Elle est reprise en boucle par les médias.
« Vent debout » vient à intervalles réguliers pour dire le mécontentement, la colère, la révolte, l’opposition sans concession à un projet, une réforme ou une politique et aussi l’envie d’en découdre avec le pouvoir. C’est-à-dire de faire entendre le vent de la tempête. Le quotidien Sud Ouest (04.07.2011), en titrant « Les commerçants vent debout contre Atlantisud » pour expliquer la détermination des commerçants des Landes, du Béarn ou du Gers à ferrailler contre l'aménagement d'un « Village de marques » à Saint-Geours-de-Maremne confirme le sens donné à vent debout. La levée de boucliers est bruyante. Les propositions d’actions fusent.
Parfois, vent debout est employé en guise d’enluminure d’un discours à l’intention tonitruante. Emmanuel Maurel, chef de file du courant Maintenant la gauche, s’est laissé aller au plaisir des mots pour qualifier sa relation avec le président de la République. « Je suis critique mais pas vent debout », déclare-t-il au Monde.fr (06.01.2014). Le bouillant député fait alterner critiques et propositions. Il veut dire qu’il est raisonnablement critique mais pas opposant radical. Sa critique se veut mesurée. En tout cas, il veut signifier qu'il est actif.
L’expression fait les titres à forte intention de mémorisation. Ils tiennent avec fermeté la main du lecteur. La formule plait pour signifier qu’on ne reste pas les bras ballants. On va contester. On ne fera pas que brasser de l’air. C’est ce que veulent signifier de nombreux emplois de vent debout qui conviennent aux petites phrases qui ont le désir de faire choc. L’expression a été glissée hâtivement, sans trop de réflexion, dans la trousse de survie des professionnels de la parole.
« Vent debout » est un terme de la marine à voile. Quand le voilier est face au vent, il ne peut pas avancer. Il ne capte pas la force du vent. Les voiles ne prennent pas le vent. Elles sont dégonflées. Orateurs, communicants porte-parole savent-ils qu’ils sont sous le vent d’une hypercorrection fautive ? Le désir de faire chic conduit au flop. Se positionner « vent debout » contre une réforme, une décision, un projet, ne serait donc pas s’opposer avec force et détermination. C’est au contraire être statique, comme sidéré par ce à quoi on s’oppose. Embêtant quand l’habitude de faire du vent donne l’impression d’être un leader. Le premier coup de vent risque de décoiffer les ambitions. Il est alors prudent pour le destinataire du message de mettre les voiles.