Sept mois mon Charles que l'on t'a dit tué. Je ne peux m'y faire et je deviens de plus en plus triste. Il y a des moments où le courage m'abandonne. Hier j'ai encore reçu une lettre d'un de tes camarades à qui j'avais écrit. C'est un dénommé Ternet, de Crugny, et comme les autres il me dit que tu as été blessé et pas ramassé par eux. Il me dit de reprendre espoir. Que veux-tu, après chaque lettre que je reçois, je suis encore plus découragée, mais je veux savoir.
Hier je suis sortie faire quelques courses. Cela bombardait violemment ; on ne rencontrait personne. J'en étais à souhaiter d'être frappée à mon tour car ce n'est pas une vie que je mène. Mais mes pauvres petits, les tiens mon Charles, je n'ai pas le droit de les laisser. Pauvres cadets, ils sont si beaux.
J'arrête car je crois que j'arroserais le cahier. Je sens les larmes qui coulent. Je t'aime mon Lou, plus que tout.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu'elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu'au 6 mai 1917 (avec une interruption d'un an). Poignant.(Alain Moyat)
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