L’intrigue se déroule entre le 1er mars et le 3 mai 1943, c’est-à-dire après la chute de Stalingrad et avant la grande bataille de chars de Koursk, à Berlin et surtout à Smolensk.
Bernhard Gunther est envoyé en mission spéciale par le Docteur Joseph Goebbels, qui a jadis apprécié ses talents de détective à la police criminelle (Kripo) de Berlin. Dans une forêt de bouleaux des environs immédiats de Smolensk, des loups affamés ont en effet mis au jour, malgré le sol gelé, des ossements humains. On soupçonne le NKVD d’avoir procédé à des exécutions sommaires d’officiers polonais, en tentant de « faire porter le chapeau » à l’armée allemande. Le Ministre de la Propagande souhaite que toute la lumière soit faite sur cette affaire, prouver que les soviétiques ont commis là un crime de guerre abominable et en tirer un maximum d’avantage vis-à-vis de l’opinion internationale.
Sur fond de trahisons et de tentatives réitérées d’attentats visant à supprimer Hitler, fomentées par de hauts responsables de l’armée allemande issus de l’aristocratie prussienne, l’enquête va pouvoir commencer dès que le permafrost aura permis de dégager les corps. Cette enquête sera menée en présence d’experts internationaux : légistes, magistrats, représentants de la Croix-Rouge … Les fosses communes vont révéler l’étendue de ce que l’histoire reconnaît comme le massacre de Katyn, au cours duquel plus de 4000 officiers et jeunes représentants de l’élite polonaise ont été supprimés d’une balle dans la nuque en 1940 par les membres de la police secrète communiste.
Bernhard Gunther doit coordonner ce grand barnum alors que justement, plusieurs soldats allemands ainsi qu’un célèbre médecin légiste espagnol sont retrouvés égorgés ou révolvérisés pendant son séjour sur cette partie de la Russie occupée … pour un temps encore. Comme à son habitude, Bernie, ouvertement antinazi, se met lui-même en très grand danger, pris entre plusieurs feux.
Dans la série des romans qui suivent la Trilogie berlinoise, cet opus figure parmi les meilleurs : l’ambiance dramatique de cette fin d’hiver à l’arrière du front russe, la personnalité des militaires de haut rang pas toujours très « propres », l’activité de leurs auxiliaires russes pas toujours très fiables … sans compter l’intervention d’une fort jolie femme au passé trouble, qui tourne la tête à notre héros … Je me suis régalée d’un bout à l’autre du bouquin, d’autant plus qu’ayant lu plusieurs autres épisodes des aventures de Bernie après la guerre, je savais bien qu’il réchapperait de ce très mauvais pas.
Comme toujours, une documentation impressionnante, des personnages réels admirablement mis en scène et une traduction rendant pleinement l’humour berlinois, bourrée d’images-choc pertinentes. Un grand roman d’aventures.
Les ombres de Katyn (A Man without Breath), roman de Philip Kerr traduit par Philippe Bonnet, publié aux éditions du Masque, 477 p. 22,90€