La plupart des activités numériques provoquent l’enthousiasme, connaissent un fort engouement actuellement qui se traduit assez souvent par une attitude pour le moins symbolique.
En effet, curieusement la question qui m’est posée la plupart du temps est « qu’ont-ils créé ? » au lieu de « qu’ont-ils appris ? ».
Le code est comme une langue, une nouvelle langue pour les enfants et les adolescents. Comme pour toute nouvelle langue, ils en apprennent les rudiments en commençant par exemple par dire « bonjour » au travers de la célèbre tradition du « hello world » propre à tous les langages informatiques.
Lorsque l’on apprend une langue, on commence par faire de petites phrases, assimiler des termes, construire des dialogues. Ce n’est que bien plus tard que l’on commence à véritablement écrire. Il y a un pas énorme entre les rudiments et la nouvelle, voire le livre.
Lorsque j’ai appris à coder, durant mes premiers pas avec le basic sur Amstrad CPC, j’ai passé plusieurs mois à bricoler des petits programmes stupides sans réel intérêt, juste pour apprendre, pour comprendre comment marchait telle ou telle fonction. Ce n’est qu’ensuite que j’ai pu m’atteler à quelque chose de plus complexe, à un vrai programme.
Aujourd’hui je les regarde tous faire leurs premiers pas en code, en électronique, en « bidouille » et la seule question que l’on nous pose régulièrement est « qu’ont-ils créé ? ». Mes interlocuteurs sont parfois déçus de ne pas se retrouver face à des jeux vidéos grandioses, face à des réalisations époustouflantes. Quelques fois même, il n’y a rien à montrer parce que leur cheminement n’a été fait que de petits bouts d’essai. Alors que si la question avait été « qu’ont-ils appris ? », il y aurait eu tant à dire.
Ils sont débutants et nous leur demandons de créer un programme complet structuré. Ils sont débutants et nous leur demandons de développer un circuit électronique fonctionnel. Ils sont débutants, ne possèdent que des bribes et nous leur demandons d’écrire un livre. Ils sont débutants, découvrent la palette et nous leur demandons de peindre un véritable tableau plutôt qu’une étude…
J’aimerais que l’on y songe plus souvent et que l’on sache regarder les apprentissages comme tels sans se focaliser sur un résultat qui bien souvent reflète surtout les désirs de l’adulte et non ceux de l’enfant. Penser « qu’ont-ils appris ? » plutôt que « qu’ont-ils réalisés ? ». Sachez mettre en valeur les compétences qu’ils ont acquises sans avoir nécessairement besoin de concret, de tangible. On évoque en effet toujours le fait d’apprendre en faisant mais faire c’est parfois plus souvent expérimenter dans un premier temps de manière continue que réaliser véritablement. Le résultat n’est donc pas le seul critère à comptabiliser mais bien plus tout ce qui s’est passé entre deux.
Je conclurai par un petit exemple que je rencontre bien souvent. Les enfants créent des petits bouts de code et régulièrement effacent, reviennent en arrière, dessinent puis suppriment des personnages, des décors. A la fin de l’atelier ou de l’heure, le résultat n’est pas toujours terrible car beaucoup de choses ont été effacées et pourtant ils n’ont fait que créer, tester, évoluer.
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