Si votre bonheur est ailleurs,
Venez danser la bouche ouverte,
Dans des tenues blanches ou vertes,
Costumes de prince et tailleurs.
Le luxe prolixe du salon
Cajole l'œil des gens d'esprits,
Le mobilier n'a pas de prix,
Et l'alcool jase en gallons ;
Dans des corbeilles argentées
Des grenades et de framboises
Embrassent la main gantelée
Des demoiselles qui pavoisent.
Les dames sont enguirlandées
De gros rubis ou d'escarboucles,
D'or, de fard, de grenats, de boucles
Elles ont la gueule ensanglantée.
Attifées de fils de diamant,
Sur des rythmes rébarbatifs,
Elles se déhanchent décemment
A l'aise comme un laxatif.
Ces messieurs qui portent smoking
Ont l'air charmant et chamarré,
Ils savent des sujets variés.
Renan, Suétone, Kipling ...
Des bûches crépitent dans l'âtre,
Enivrons-nous ! Que l'on s'égare ;
S'exhale un parfum de cigare
Au milieu des gens de théâtre.
Ces cocos là sont plus frivoles,
Costard-cravate bariolés,
Ils parlent sans articuler.
Des spectacles de music-halls
Certains contemplent des chefs-d'œuvre
De Kandinsky et de Van-Gogh,
Près du buffet des décalogues,
D'autres se bâfrent de hors-d'œuvre.
Un poète bave sa prose
De printemps et de bleus amours
Tissés, suintant à contre jour,
Des vers nacrés gerbés de rose...
Si votre bonheur est ailleurs ;
Venez danser la bouche ouverte,
Dans des tenues blanches ou vertes :
Costumes de prince et tailleurs.