On s'était accordées à limiter nos espoirs quant au quatrième album des Strokes. On s'était promis de ne pas être plus déçues que ça si il s'averrait que Nick et les autres se noyaient ou se complaisaient, d'une façon ou d'une autre, au fond du gouffre. Seulement voilà, quand il s'agit du groupe qui a basiquement remis le rock au goût du jour au début du siècle, notre esprit devient difficile à conditionner. Nos paroles trahissaient continuellement nos réelles attentes et rien ne laissait présager une telle déception à l'arrivée.
Après avoir trahi, chacune de notre côté, le pacte consistant à n'écouter l'album qu'ensemble le lendemain de sa sortie, nous nous sommes lancées dans un échange circonspect d'opinion, une tentative de professionnalisme dans l'articulation. La conclusion, toute bête en somme et bien plus difficile à écrire qu'il n'y paraît est que Angles est mauvais. Il pue sa mère comme on dit du côté de chez nous.
En dépit du fait que ça me fende presque littéralement le coeur de faire un papier négatif sur le groupe qui a su guérir toutes mes humeurs, je ne peux m'empêcher de gratter avec une désillusion amère au bout des doigts. Aux premières notes de "Machu Picchu", plus d'aspiration, les jeux sont faits. C'est donc ça le changement que les Strokes ont engagé? Une visite à rallonge du côté d'une pop eighties gluante. Les effets soniques sur des titres comme "Two Kinds of Happiness" ou "Games" sont pour le moins suprenants. La bande a complètement changé de bord, plus grand chose ne les rattache au rock dépouillé de Is This It. La voix traînante de Julian Casablancas qui avait déjà lassé dans First Impression of Earth rend ici les chansons presque inaudibles. Les mélodies de "You're so Right" ou "Call me Back" ne sont malheureusement pas assez solides pour les faire valoir sur la durée. Le reste de l'album reste plus ou moins sympathique, rappelant tantôt le premier MGMT dans un son électronique surproduit, et tantôt la fraicheur des Beach Boys ("Grastification").
En définitive, deux chansons me semblent bonnes à sauver. D'abord "Under Cover of Darkness", qui est de loin la meilleure de l'album. Chanson au charme maléfique cependant, puisqu'elle avait fondé mes espoirs quant à la bonne continuation des choses au mois de février. Mauvais extrait choisi semble-t-il, elle sonne comme une bonne erreur rock dans un concentré de mélodies outrageusement surfaites. La seconde est "Life is Simple in the Moonlight", qui clôture joliement l'album et nous permet de ne pas le détester tout à fait.
Et même le point fort constant du groupe, qui a su nous faire aimer les albums les uns après les autres malgré une qualité sonore tangible; à savoir les paroles, est ici tout juste passable. Il semble bien que Julian Casablancas ait troqué sans plus de mal des pépites efficaces comme "I just want to misebehave/ I just want to be your slave" contre un petit "I look for you and you look for me" (sérieux, Julian?).
Cinq ans de pause chez les Strokes, cinq ans d'attente. On les a patiemment suivi, toujours au courant de leurs faits et gestes... Mariages, enfants, carrières solo, pseudo sobriété nouvelle. On n'a pas bronché, on a ravalé la haine créée par leur petit foutage de gueule. On a su se faire petits quand il le fallait, pardonner de nombreux dérapages. A l'approche de la sortie de l'album, on actualisait nos pages d'informations un peu trop souvent, les yeux écarquillés et le coeur qui triple son rythme cardiaque inconsciemment. Ma déception est trop forte au fond, j'ai du mal à me résoudre à la fin officieuse des Strokes.
En évidence dans ma collection de disques trônera toujours Is This It, comme un des tous meilleurs albums de la décennie. Et plus au fond, les autres albums des Strokes, avec Angles en extrémité. Je l'écouterai éventuellement, en guise de bon guilty pleasure; plus tard, en souvenir de l'apogée de leur déchéance.
Mes chers petits dieux momentanés, je vous aime.