Les livres contiennent une infinité de savoirs comme autant de fenêtres ouvertes sur le monde.Brigitte Leclère le sait bien et l'applique dans l'espace pourtant limité de la Librairie du Vieux Châtenay (92). Elle fait régulièrement venir des auteurs.
Elle n'hésite pas à élargir à l'univers des travaux manuels avec Cora qui anime de temps en temps des ateliers.
Un samedi après-midi l'exercice est devenu écologique en s'exerçant au furoshik.
Le mot désigne la technique japonaise du pliage et du nouage de tissu destinée à l’emballage des cadeaux, le transport des effets personnels et des objets de la vie quotidienne. Il est apparu à l’époque Nara (710-794 ap JC) sous le nom de Tsutsumi, pour garder des objets de valeur comme les objets du trésor impérial de Shoso-in au temple Todai-ji à Nara.
Il prendra au fil des siècles des noms différents mais aura toujours plus ou moins la même utilisation par la population qui a trouvé ce moyen pratique et rapide pour emballer leurs effets personnels et se déplacer rapidement lors des pèlerinages ou en temps de guerre pour éviter les pillages.
Enfin le mot furoshiki (étaler au bain) apparait à l’époque Muromachi (1336-1573) lorsque le shogun Ashikaga Yoshimitsu fait construire un grand bain dans sa résidence à Kyôto et y invite de nombreux seigneurs qui utilisent ce tissu au blason de leur famille pour éviter de mélanger les kimonos et autres effets personnels
La technique est donc japonaise. Dans ce pays et depuis une dizaine d’année, le Ministère de l’environnement prône le développement de ce geste écologique pour lutter contre la surconsommation des sacs plastiques et des emballages papier. Le furoshiki s’inscrit parfaitement dans la politique des 3R (réduire, réutiliser, recycler), proche du mouvement Mottainai (l’expression exprime le désappointement consécutif au sentiment de gaspillage) qui lutte entre autre pour une meilleure utilisation des ressources de la terre.
Par extension le terme furoshiki désigne également le carré de tissu utilisé pour cette technique. Il faut en effet our fabriquer un furoshiki il faut simplement un carré de tissu de la taille souhaitée, bordé d'un petit ourlet piqué à la machine. Cora en avait préparé d'avance. On peut aussi recycler un foulard.
Après avoir choisi le morceau de tissu le plus inspirant il a fallu en premier lieu apprendre à faire le nœud de base, sorte de double nœud.Les explications patientes de Cora ont permis à chacune d'aboutir à deux modèles de sacs, avec ou sans poignées. Puis de nous lancer dans l'emballage de bouteilles ou même d'autres objets qui pourraient fort bien être des cadeaux.
Avec une méthode semblable on peut emballer un livre, un IPad ... la liste est infinie.
La seule vraie difficulté consiste à automatiser la façon de faire un nœud. Chacune à sa façon mnémotechnique pour y parvenir. Ce petit film aidera peut-être les lecteurs qui n'ont pas bénéficier de la séance. Il est un peu long mais très complet.
Si vous n'avez pas la patience de le visionner voici la méthode résumée en image. Il faut avant tout assouplir le tissu et le rassembler souplement. Les mamans qui ont pris l'habitude de porter leur bébé avec un tissu le maitrisent bien.
On réalise un premier nœud comme il nous convient spontanément de faire. On inverse le geste pour le second nœud. Plus précisément, si la main droite dirige la manœuvre et fait passer un brin par-dessus l’autre lors de la réalisation du premier nœud, on utilisera, pour la réalisation du second nœud, la même main pour faire passer le brin qu’elle a alors en main par-dessous l’autre brin.Il est très solide et néanmoins très facile à dénouer. Il suffit de tirer en biais pour le débloquer puis de faire glisser le brin comme à travers un anneau.
Nous voilà prêts pour faire un sac en suivant le déroulé des photos. Il faut juste veiller à plier le carré en deux endroit contre endroit. Ce type de contenant est très joli réalisé avec un carré de soie ancien, ce qui est là encore une démarche qui s'inscrit dans le mouvement Mottainai.Un nœud est fait de chaque coté et à peu près aux deux tiers de la pointe centrale.On équilibre bien puis on replie les nœuds vers le milieu et on retourne le tissu.On place dans le sac ce que l'on veut y transporter puis on refait un nœud, le plus bas possible, ce qui permet d'assurer la sécurité du contenant.Ensuite on en fait un autre tout en haut pour former une sorte d'anse.Et le tour est joué. On peut le porter joliment à son poignet.Le même dans un autre foulard.Également dans un carré de toile de lin. On pourra torsader une des dernières pointes avant de faire le dernier nœud.Vous voilà donc aguerri à la technique qui, au XVII° siècle, était très pratiquée par les habitants deTokyo. Les incendies y étant fréquents les furoshiki étaient toujours prêts pour emporter futons et affaires.
Maintenant avec deux poignées. Ici on a pris des bracelets pour faire la démonstration mais dans l'idéal il vaut mieux récupérer des poignées en cercles de bambous de sacs anciens et abimés, donc recyclables.Ce qui est essentiel à ne pas "louper" c'est le positionnement de la première pointe qui comme on le voit sur la troisième photo doit ressortir par en -dessous vers l'extérieur. La seconde suivra le mouvement strictement inverse.On noue ensuite les deux extrémités devant soi. Les mouvements sont empreints d'une réelle beauté. C'est un art comparable à celui de l'Ikebana en matière de bouquets. Le geste n'est pas mécanique. Il est pensé et pesé, devenant gracieux. Même si le pliage est rapide, l'action n'est pas bâclée en deux temps, trois mouvements.Et on fait de même de l'autre coté.Il n'y a plus qu'à soulever les deux cercles pour révéler le sac ... qui est cette fois "ouvert".Au Japon, quand on offre un cadeau on fait aussi bien attention au contenu qu’au contenant et l’emballage fait ainsi partie intégrante du cadeau. Le furoshiki est donc naturellement devenu l’art d’emballer les cadeaux avec selon les occasions, les saisons, ou les personnes à qui on les offre, le choix d'une matière, de motifs ou de couleurs approprier.
Voilà comment emballer deux bouteilles. On les place comme indiqué sur la photo (en laissant la largeur d'une main entre les deux culots) avant de replier le tissu puis de rouler bien serré.On termine en pinçant les pointes dans l'espace libre entre les culots et on redresse les bouteilles.On procède ensuite comme pour le premiers sac en faisant un nœud bien serré puis un autre plus haut de manière à former une poignée.Plus esthétique que le sac de papier ou pire de plastique, on laisse le furoshiki au destinataire du présent qui pourra le réutiliser, soit on le récupère pour un usage ultérieur.On peut réitérer à volonté car les tissus sont en général très résistants.Néanmoins pour le transport des objets, il faut plutôt choisir du coton résistant. Pour les cadeaux, on préfère traditionnellement de la soie, du crêpe (chirimen), aujourd’hui plutôt du synthétique (crêpe de rayonne ou de polyester par exemple), souvent réversible avec deux côtés de couleur et motifs différents.
Cet art est véritablement un acte écologique. 7 milliards de sacs sont gaspillés en France /an (environ 110 sacs/hab/an) et se dégradent au bout de 100 à 400 ans. 11 millions de tonnes de papier sont consommés chaque année en France dont 50 millions de rouleaux de papiers cadeaux vendus. Ces papiers cadeaux sont souvent non recyclables alors que le tissu est réutilisable.
C'est pourquoi à partir du 1er janvier 2016 les sacs plus fins, tels ceux des rayons primeurs jetés après une seule utilisation, seront bannis des grandes surfaces. Et la vaisselle en plastique jetable interdite à partir de 2020. On peut donc s'entrainer dès maintenant ... et remercier Cora et Brigitte de nous permettre d'être ne avance sur notre temps avec une méthode qui a fait ses preuves des siècles durant.
Pour connaitre les prochains ateliers, contacter Brigitte Leclère
Librairie du Vieux Châtenay
4 rue Henri Marrou, 92290 Chatenay-Malabry 01 40 91 47 47