Je n'ai jamais été un partisan du coup de poing.
Même au hockey, quand je j'y jouais plus jeune, et que je devais adopter un style fort agressif à coup d'épaule afin de rester dans les catégories doubles lettres, je jouais dur, mais le coup de poing n'était jamais au rendez-vous. J'en ai reçu, mais je ne l'ai jamais moi-même dégainé. J'étais du genre bouscule fort, mais proprement.
Et donner un coup de poing ne devrait jamais faire parti du kit de joueur de hockey. Encore moins entre 5 et 17 ans.
Je suis encore de cette école de l'anti-coup de poing. C'est plus fort que moi, j'y lis toujours aujourd'hui l'ultime signe de l'impuissance. Quand il faut régler une situation à grand coup de quelque chose, l'impuissance est au rendez-vous. Sous une forme ou une autre. Immanquablement.
Je ne vous parle plus beaucoup de l'entrepôt. Vous y trouveriez le même ennui qui me gagne tranquillement. C'est vieux 43 ans pour charrier des kilos de vice caché dans la nuit.
Pierre Jean Nicolas est un haïtien qui travaille avec nous depuis à peu près la même période que moi. Il a été engagé une semaine ou deux après moi. Nous l'appelons PJN. Malgré tous les efforts afin de ne pas tomber dans les préjugés défavorables duquel on affuble trop souvent les Haïtiens, nonchalance, négligence, mauvaise application au travail, paresse, absence de sentiment d'urgence, manque d'initiative, affreuse conduite automobile, PJN a réussi à tour à tour nous les confirmer de visu tout de même.
Dans le cas de l'affreuse conduite automobile il a établit des records. Je vous épargne la liste d'accidents qu'il a "subi" depuis 17 mois mais ça se trouve entre 6 et 10. La dernière fois, il venait tout juste de voir son permis de conduire lui être remis (on lui avait confisqué parce qu'il avait négligé de le payer) et le jour même, il faisait une perte totale avec sa voiture. C'est encore sa pauvre soeur qui doit lui faire des lifts dans la nuit et il arrive systématiquement TOUTES les nuits en retard.
Au point que personne ne comprend pourquoi il n'a pas été sévèrement puni sur le sujet. L'autre tantôt, un de nos boss nous as tous réunis avant notre 8 heures de travail et nous as TOUS donné quelques recommandations sur de mauvaises habitudes de travail. À la troisième, on s'est tous échangés des sourires entendus car nous avions soudainement compris que toutes les remarques s'appliquaient en fait principalement à PJN. Sans le dire clairement toutefois, mais le regard de celui qui pointait les fautes ne mentaient pas non plus. Il dévisageait PJN à chaque nouveau point.
C'est que PJN rajoute plusieurs couches de mauvais jugement sur ses mauvaises habitudes. Il va se chercher à boire, prend une pause ou se rend à la salle de bain, TOUJOURS au mauvais moment. Pour moins que ça, certains se sont fait montrer la porte ailleurs dans mes emplois passés. La vérité c'est que nos emplois sont si durs physiquement, dans des conditions si extrêmes et à des heures tout aussi extrêmes que peu de gens voudraient les faire. Il devient donc difficile de nous mettre à la porte. Mais surtout de réembaucher.
PJN a usé de plusieurs lignes de survie depuis 17 mois. Pendant que j'étais en vacances, il m'a confessé qu'on l'a rentré dans le bureau et qu'on lui a signalé qu'il avait un pied dans la porte. Quand je suis revenu de vacances, il me l'a confessé, amer.
"Un boss qui ne vient jamais dans notre coin en plus, ça veut dire que c'est quelqu'un d'autres qui m'a poignardé dans le dos, c'est ça que je prends le plus mal" m'a-t-il dit.
Nous ne travaillons pas toujours dans les mêmes sections de l'entrepôt et souvent, on passe d'une section à l'autre au gré des succès qu'on a obtenu jour après jour. Ou simplement afin de changer le mal de place dans ce travail physiquement outrageusement exigeant. Il m'a dit que je faisais un bon suspect en riant, mais en riant jaune, puisque je m'étais "sauvé" pendant une semaine. Il a testé voir si j'étais le pigeon qui avait jacassé contre lui. Ce n'était pas le cas, Je n'ai pas eu à m'en défendre trop intensément, c'était clair dans mon comportement, je ne me sentais coupable de rien.
En discutant il m'a cité tout ce qu'on lui reprochait. Si on m'avait demandé de relever ses faiblesses, j'aurais probablement nommé toutes les mêmes. Et je crois savoir qui a été consulté pour rapporter au grand boss ce qui a été rapporté. Il l'a deviné lui aussi sans que je lui suggère des noms, ce qui était la dernière de mes intentions.
Je me suis aussi aperçu que je n'aidais en rien PJN car j'en fais toujours un peu plus qu'exigé, ce que les patrons remarquent en opposition avec ce qu'il fait (ou ne fait PAS) et ils sont verbalement sans pitié quand il lui souligne ses travers de plus en plus publiquement.
Sans jeu de mots douteux, PJN broie du noir.
C'était assurément Caron qui avait été consulté sur son sujet. Caron travaille toujours dans sa section. Caron est quand même un imbécile. Il est impossible de lui parler sans que l'orgueil ne s'en mêle. IMPOSSIBLE. Même dans les conversations les plus triviales. Il me semble un pauvre bougre qui a eu si peu d'impact sur les autres dans la vie qu'il ait encore besoin de nos jours de se prouver contre les moulins à vent que sa tête lui fait dresser. Il fait du karaté, du judo et au autre martial, ce qui confirme qu'il souffre d'un certain complexe d'infériorité aussi. Il est éprouvant de jaser avec lui car l'orgueil se place toujours dans le chemin.
On parlait de ma fille qui faisait de la corde à danser l'autre fois et Caron m'a dit que sa fille aussi.
" Je me suis à en faire avec elle quelques fois, ça demande beaucoup de finesse pour des grands comme nous et une certaine grâce pas naturelle" que je lui disais.
"T'en fais Jones?"
"Ben oui, pour le fun, des fois, avec elle. Elle apprécie"
"Ha! pas comme entrainement. Moi je le fais sportivement." (déclaré sérieusement et avec un risible dédain comme on dirait "T'as eu le bronze? moi j'ai eu l'or..."
J'hésitais entre "bravo, champion", "Wow! Capoté!" (surexcité) ou encore un bruit de pet foireux fait avec ma bouche dans le creux de ma main, mais je me suis contenté de prendre une longue gorgée d'eau.
Caron est généralement con. Parce qu'il a franchement trop besoin de se montrer/de s'inventer sous un perpétuel meilleur jour.
Quand j'ai appris quelques jours après que PJN, un grand gaillard de plus de 6 pieds, m'eût parlé des commentaires qu'on avait rapportés sur lui, que Caron avait mangé une raclée dans la stationnement de notre entrepôt, je n'ai pu m'empêcher de sourire mentalement. Le karaté/judo/Chteshitsu n'avait pas aidé.
C'est avec un gros oeil au beurre noir et dans un département plutôt éloigné que Caron a travaillé les jours suivants. Et ce ne fût pas encore assez pour limoger PJN dans une autre section de l'entrepôt. Les boss perdent encore en talent crédible.
**************************
Aux États-Unis, pays puissant si il en est un, l'impuissance se mesure souvent au nombre d'armes à feu que l'on se garde pour sa protection personnelle.
Le métier de policier est si dévalorisé en Oklahoma que n'importe quel gus peut se présenter comme policier volontaire et faire un George Zimmerman de lui-même. Policier armé, pompier cuisinier, same shit à Tulsa.
Faire de lui-même un George Zimmerman, c'est exactement ce qu'un agent d'assurances de 73 ans (!?! Ça ne s'invente pas) qui a confondu son arme taser avec son fusil lors d'une intervention sur la route a fait.
Ce qui a coûté la vie à Eric Harris et montré à nouveau l'absurdité de l'Amérique armée.
Elle n'est même pas armée pour affronter sa propre ignominie.
Jon Lajoie a tout vrai.
"Guns don't kill people, I kill people with guns. Pow!"
Et Lajoie pêche par l'absurde.
Je ne serai jamais non plus un partisan du fusil.
Symbole de l'impuissance à mon humble avis.