Partons la conquête de l’espace dans le culte du dimanche ! Un chemin semé d’embûches mis en scène par Philip Kaufman dans son film fleuve L’Étoffe des Héros !
Après s’être fait un nom en réalisant sa propre version de l’Invasion des Profanateurs, le réalisateur Philip Kaufman est passé un peu sous le radar avec son film suivant Les Seigneurs. Il va ensuite prendre le temps avant de revenir avec son nouveau film qu’il écrit lu-même en étant inspiré par le récit du journaliste Tom Wolfe avec beaucoup d’ambition. Car avec l’Étoffe des Héros (the Right Stuff en VO), il s’attaque à une véritable fresque, celle des débuts de la conquête spatiale et des exploits d’Alan Shepard et John Glenn.Le récit commence pourtant bien avant le lancement du programme avec le pilote Chuck Yeager qui franchit le mur du son en 1947. Un premier exploit du film qui prend le temps de s’installer (peut-être un peut trop, le film dépassant allègrement les 3 heures). Il faudra attendre un peu avant que le film ne débute vraiment avec une réunion au sommet lorsque Spoutnik a été lancé par les russes, lançant alors les hostilités pour les président des Etats-Unis qui décide de lancer le programme spatial et d’être le premier à envoyer un homme dans l’espace.
Ne désirant pas avoir des pilotes comme Yeager, assez imprévisibles, le gouvernement recrute les meilleurs éléments avec tout de même quelques têtes brûlées qui vont entraîner les pilotes à faire valoir leurs droits. En effet, les capsules sont prévues pour être facilement manipulables, à tel point que même des chimpanzés peuvent les piloter en restant, eux, dociles. Mais le président veut bien montrer qu’un américain a réussi cet exploit, ce qui permettra aux pilotes d’avoir quelques exigences auprès des ingénieurs comme une trappe éjectables ou un hublot et plus de contrôle sur les commandes.
En plus du traditionnel récit en 3 étapes qui permet d’abord d’assembler une équipe, de les entraîner puis de les envoyer en mission, le film s’intéresse aux personnalités de ces spationautes, leurs relations, leurs femmes et leur rapport avec leur hiérarchie. Et si le contexte politique est abordé mais assez peu approfondi, le contexte médiatique est là bien là avec ce qu’il faut de retombées et d’interviews malencontreuses. Alors qu’en parallèle, Yeager reste un pilote à l’écart de tout cela, voyant bien que ces 7 pilotes prêts pour des missions suicides dans l’espace sont des héros alors que lui doit rester au sol, ce qui ne l’empêchera pas d’aller tester ses limites.
Et quand, au fur et à mesure, chacun des pilotes part dans l’espace, nous ne découvrons pas d’images de l’espace mais restons au plus proche des réactions de ces pilotes et de ce qu’ils vivent d’incroyable, les yeux rivés sur le hublot qu’ils ont fait installer alors que les ingénieurs n’ont d’yeux que pour les données qu’ils vont récupérer. Des gars qui partent en étant conscient du dangers et en n’étant vus que comme des objets sacrifiables ou à contrôler par leur hiérarchie, voilà ce qui fait apparemment l’Étoffe des Héros et du casting prestigieux et talentueux rassemblé pour l’occasion (Ed Harris, Scott Glenn, Dennis Quaid et Sam Shepard sont impeccables).
Evidemment, le portrait de ces hommes du programme Mercury est assez élogieux et pointe bien plus les moments de gloire (avec quelques doutes et crises, mais assez rares) que les grandes remises en questions et dessous politiques de l’histoire. Il faut dire qu’à la sortie du film en 1983, nous sommes encore en pleine guerre froide et que les USA ont encore besoin de montrer leur supériorité sur les russes, même inconsciemment et ce film en forme de fresque à la fois épique et intimiste permet de leur redonner un peu de courage et montrer les exploits qu’ils ont accompli, parfois dans l’ombre.
A sa sortie, le film fonctionne très bien et restera sans doute le plus grand succès de son réalisateur qui récoltera même 4 Oscars. Mais surtout, le film aura une grosse influence sur toutes les prochaines productions liées à l’espace, d’Apollo 13 (où l’on retrouvera Ed Harris cette fois au sol) et Armageddon (avec l’arrivée de pilotes en combinaison qui n’est pas sans rappeler celle nos 7 astronautes) jusqu’au plus récent Interstellar qui se réinterrogeait justement sur la conquête spatiale en regrettant l’oubli des exploits passés.