J’ai eu la chance de suivre durant ce semestre le cours d’Observation en philosophie pour les enfants offert à distance par l’Université Laval. Voici le document de synthèse que je viens de rendre en guise d’épilogue.
La première chose que je retiens de ce cours intitulé « Observation en philosophie pour les enfants » est la richesse de l’observation de Communautés de Recherche Philosophique (CRP). Je dois avouer que j’avais déjà visionné intégralement la série documentaire « Des enfants philosophent » avant de m’inscrire à ce cours et hésitais à m’y inscrire en me demandant si cela allait m’apporter véritablement quelque chose de plus. Sans conteste, je ne regrette en rien de m’y être inscrite car j’ai beaucoup appris grâce au travail d’observation et de rédaction des rapports d’observation initiaux et comparatifs demandé tout au long de ce cours. Décrire de manière approfondie le réel des séquences de CRP, notamment sous l’angle des habiletés de pensée, m’a profondément convaincue que les dialogues dans lesquels les enfants s’engagent sont bel et bien philosophiques et ne sont pas de simples conversations où ils contenteraient d’exprimer des opinions toutes faites. La CRP m’est apparue comme une approche pédagogique exigeante intellectuellement parlant.
La deuxième chose que je retiens est la signification du dialogue délibératif à laquelle les CRP offrent une large place. Comme l’explique bien Michel Sasseville, le dialogue délibératif se distingue du débat. Le débat apparaît comme une confrontation entre plusieurs positions où chaque participant arrive au débat avec sa position déjà construite pour convaincre les autres de la supériorité de cette dernière. En revanche, le dialogue délibératif apparaît comme un processus de recherche dans lequel s’engagent les participants afin de co-construire ensemble une position ou des positions, qui sera ou seront le fruit de leur recherche intersubjective. À ce sujet, un des éléments qui m’a marquée dans les séquences de CRP est l’habileté des enfants à s’écouter, se respecter, collaborer et s’auto-corriger pour co-construire une ou des réponses aux questions qu’ils se posaient.
La troisième chose que je retiens est l’importance des différentes phases d’une CRP. Si le dialogue constitue une phase centrale de la CRP, celui-ci est précédé de deux phases qui me semblent particulièrement importantes pour la mise en place des bonnes conditions de déroulement de ce dernier. La première phase, la lecture partagée du roman philosophique, se base sur l’égalité de droit entre les divers membres de la CRP et cette égalité se voit concrétisée par le partage des prises de parole dans la lecture. De plus, le roman philosophique modélise les habiletés de pensée et attitudes à développer dans le dialogue qui suivra. La seconde phase, la cueillette de questions, invite les enfants à se mettre dans une posture d’acteur questionnant et non dans une posture de simple récepteur d’information issue du roman philosophique. Or, le partage de la parole et le questionnement sont des éléments essentiels pour obtenir ensuite un dialogue de qualité. Il est donc important de ne pas négliger les deux premières phases de la CRP que sont la lecture partagée du roman philosophique et la cueillette de questions.
La quatrième chose que je retiens concerne le rôle de l’animateur de CRP. À la différence de l’enseignant traditionnel, l’animateur de CRP ne monopolise pas le temps de parole, il invite explicitement et implicitement les enfants à prendre la parole. Il a un rôle très important dans la construction de la CRP. Sur le plan de la communauté, il doit être très attentif à la facilitation de relations et aux relations déjà existantes entre les enfants. S’il doit occuper un rôle de médiation lors des premières CRP, il doit petit à petit inciter les enfants à s’auto-médier. Sur le plan de la recherche philosophique, il doit, par ses questions spécifiques d’animation qui invitent les enfants à développer telle ou telle habileté de pensée, aider à la transformation de la simple conversation à un dialogue délibératif. Comme pour le rôle de médiation, ce rôle d’invitation à la recherche philosophique peut être petit à petit pris en charge par les enfants eux-mêmes. En somme, un des rôles primordiaux de l’animateur de CRP est d’éduquer les enfants à l’autonomie.
La cinquième chose que je retiens concerne les enjeux extra-philosophiques de l’approche pédagogique des CRP. Tout d’abord, la pratique de la CRP permet d’éduquer à la non-violence et à la paix. La pratique de la CRP éduque à la non-violence en privilégiant l’utilisation des mots et du dialogue plutôt que les poings pour résoudre les conflits. Premièrement, elle éduque à la paix en développant la pensée attentive (caring thinking) : les enfants acquièrent de l’estime d’eux-mêmes notamment grâce à l’écoute et l’empathie dont les autres enfants font preuve à leur égard. Deuxièmement, elle éduque à la paix en invitant les enfants à coopérer afin de co-construire du commun. Cet objectif de co-construction du commun rejoint l’idée que la pratique de la CRP éduque également à la citoyenneté démocratique. Elle positionne les enfants en acteurs de la communauté, elle leur apprend pour cela à co-construire des jugements nuancés, ayant pris en compte une diversité de points de vue, et à prendre la parole pour les exprimer.
La mise en lumière du rôle de l’animateur de CRP et des enjeux extra-philosophiques de l’approche pédagogique des CRP m’a rendue convaincue que l’ « éducation populaire », dont les principaux objectifs sont d’éduquer à l’émancipation individuelle, à la citoyenneté et à la transformation sociale par une pédagogie active privilégiant l’horizontalité dans le partage de savoirs et de pratiques, devrait se saisir davantage de l’approche pédagogique des CRP.
Enfin, je voudrais terminer sur le fait que les enfants que j’ai observés tout au long des séquences de CRP apparaissent, grâce à la pratique des habiletés de pensée et des attitudes qu’ils ont développées, comme de vrais philosophes, c’est-à-dire des amoureux tant de la recherche du savoir que de la sagesse.