Titre original : The Water Diviner
Note:
Origines : Australie/Turquie/États-Unis
Réalisateur : Russell Crowe
Distribution : Russell Crowe, Olga Kurylenko, Yilmaz Erdoğan, Cem Yilmaz, Jai Courtney, Ryan Corr, Isabel Lucas…
Genre : Drame/Aventure
Date de sortie : 15 avril 2015
Le Pitch :
En 1919, 4 ans après la terrible bataille des Dardanelles, dans la péninsule de Gallipoli, un fermier débarque de son Australie natale afin de ramener au pays les dépouilles de ces trois fils tombés au combat. Malgré les nombreux barrages que tente de lui imposer la bureaucratie militaire, l’homme meurtri ne fléchit pas et trouve refuge dans un hôtel tenu par une jeune veuve à Constantinople. Dès lors, aidé notamment par un militaire turc, il va sillonner le pays ravagé par la guerre afin de retrouver ses garçons…
La Critique :
Pour Russell Crowe, La Promesse d’une vie marque une étape cruciale car il s’agit de son premier film en tant que réalisateur. Presque un quart de siècle après ses débuts d’acteur, devant la caméra d’un certain Stephen Wallace, dans Prisoners of the Sun, et après avoir collaboré avec quelques uns des plus grands cinéastes, dont Sam Raimi, Ridley Scott, James Mangold, Ron Howard ou Kevin McDonald, l’acteur néo-zélandais a choisi de « fêter » ses cinquante printemps en prenant le taureau par les cornes et en se lançant dans la mise en scène.
Ayant donc été à bonne école, Russell Crowe s’est appuyé sur sa longue expérience, comme la plupart des comédiens devenus cinéastes. On retrouve logiquement dans son film un certain souffle à la Ridley Scott, pour lequel Crowe a tourné cinq longs-métrages (Gladiator, Une grande année, American Gangster, Mensonges d’état et Robin des Bois). Dans ce lyrisme propre aux grands espaces et dans cet héroïsme légèrement biaisé notamment, qui contribuent à caractériser ce premier essai non dénué de maladresses, mais pour autant très attachant.
Inspiré d’une histoire vraie, La Promesse d’une vie dénote d’une volonté de Russell Crowe d’assumer totalement un goût pour le cinéma à l’ancienne. Loin des canons actuels, son long-métrage dégage quelque chose de très rare aujourd’hui, tant il assume jusqu’au bout son décalage, en rameutant une imagerie et des gimmicks de mise en scène et d’écriture un peu tombés dans l’oubli. De l’histoire tragique de ce père parti loin de chez lui pour ramener au pays la dépouille de ses trois fils morts sur le champs de bataille, pendant la Première Guerre Mondiale, Crowe a tiré un drame teinté d’aventure et a semblé vouloir saisir à bras le corps les moindres clichés et autres passages obligés, afin de livrer une sorte d’hommage vibrant. En cela, le réalisateur ne nous épargne rien : ralentis parfois hyper maladroits et/ou hors sujets, piano à outrance, entrecoupé de partitions pleines d’un souffle dramatique puissant, histoire d’amour qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, amitié improbable entre deux hommes désignés comme ennemis par leur nation respective, bons sentiments, rien n’est laissé sous couvert dans cette Promesse d’une vie et à aucun moment Russell Crowe ne semble prétendre à autre chose qu’à faire preuve d’une sincérité d’autant plus vibrante. Dans le premier rôle, il incarne lui-même un personnage très classique, dans le bon sens du terme. Un père lancé dans la quête d’une vie détruite, qui décide de quitter son pays pour pénétrer les horreurs d’une guerre qui l’a privé de tout. Des grands espaces d’une Australie magnifiée, aux paysages turcs, entre contrées portant encore les stigmates d’un conflit meurtrier et oasis préservés par l’horreur, il s’ouvre petit à petit à un monde étranger et doit cohabiter avec les hommes qui, quelques années plus tôt étaient opposés à ses fils disparus. Le discours de Crowe est limpide : rapprocher les hommes dans une quête noble et mettre en exergue l’absurdité de la guerre. Une fois les conflits terminés, les soldats redeviennent en quelque sorte des civils et, dans le contexte du film, cohabitent même dans le but de rassembler les dépouilles des victimes, afin de leur offrir une sépulture décente. Certes, on a déjà vu plus fin, mais force est de reconnaître que c’est très clair et pour le coup, habilement incarné et illustré, car dénué du moindre cynisme.
Russell Crowe profite de ce premier essai pour se livrer et ainsi déclarer sa flamme à un cinéma désuet. Son film, à défaut d’être parfait, dégage par contre bel et bien un parfum vintage. Un peu vieillot, parfois même ringard, visuellement ambitieux, mais de facture encore une fois très classique, il n’offre rien de neuf mais fait les choses bien. Les travers de La Promesse d’une vie ne plombent pas le tableau, même si ils l’empêchent d’atteindre des sommets, mais lui confèrent une véritable identité. Armé de toutes les bonnes intentions du monde, Russell Crowe a du cœur et cela se traduit dans son film.
Et si il manque parfois de discernement ou de recul pour lier parfaitement tous les éléments et les thématiques qu’il souhaite aborder, le réalisateur fait par contre preuve d’une solide direction d’acteurs. À vrai dire, c’est carrément l’un des seuls qui a avoir réussi à canaliser Jai Courtney pour lui offrir un rôle certes plutôt secondaire, mais pour le coup impeccablement incarné. À ses côtés, tous font le job sans défaillir. De Yilmaz Erdoğan à la superbe Olga Kurylenko, la distribution est à l’image du long-métrage et vient nourrir un souffle indéniable.
Il n’est pas vraiment étonnant que La Promesse d’une vie se fasse démonter un peu partout. À première vue, avec ses scènes de guerre un peu démodées, son imagerie retro et sa romance super convenue et bien téléphonée, le film de Crowe semble venir d’une autre époque et semblait de toute façon condamné à se planter dans les grandes largeurs. Pourtant, il mérite qu’on lui donne sa chance. Qu’on prenne le temps de se poser pour apprécier à sa juste valeur la naïveté qui s’en détache et les émotions qui en découlent. En deux petites heures, Russell Crowe raconte une belle histoire ; parfois triste, quelque fois épique et souvent touchante.
@ Gilles Rolland